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Actions d’assurance vie

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Introduction

Parfois, une société qui envisage de percevoir le produit d’une police d’assurance prise sur la vie d’un actionnaire souhaite diriger le montant de ce produit vers un ou plusieurs actionnaires déterminés (ou encore vers une ou des personnes en particulier qui ne sont même pas actionnaires participants de la société) et éviter que ce produit ne devienne partageable entre tous les actionnaires de la société.

Pour arriver à cette fin, une ou des catégories d’actions privilégiées spéciales («actions d’assurance vie») peuvent être utilisées. D’autres façons de procéder sont également possibles.

Le présent texte traitera des sujets suivants :

  • les sortes d’actions d’assurance vie et leurs caractéristiques;
  • les exemples d’utilisation des actions d’assurance vie;
  • les considérations d’ordre fiscal associées à l’utilisation des actions d’assurance vie;
  • la détention de police(s) d’assurance dont le produit est visé par les actions d’assurance vie.

1. SORTES D’ACTIONS D’ASSURANCE VIE

Les actions d’assurance vie sont habituellement des actions ayant les droits et restrictions ci-après, dépendamment de l’objectif de la catégorie d’actions d’assurance vie.

Les catégories d’actions d’assurance vie utilisées sont généralement de trois sortes :

  • la catégorie «à vies multiples», soit une seule catégorie d’actions ayant plusieurs détenteurs et couvrant plusieurs polices d’assurance vie;
  • la catégorie «à vie unique», soit une catégorie d’actions ayant plusieurs détenteurs, mais couvrant une seule vie; et
  • la catégorie «à sens unique», soit une catégorie d’actions détenues par une seule personne et couvrant une seule police d’assurance vie.

Les deux premières catégories d’actions sont surtout utilisées dans le cadre d’une convention entre les actionnaires d’une société, convention dans laquelle a été prévu l’achat obligatoire des actions d’un actionnaire qui décède par les actionnaires survivants. Les actionnaires conviennent que la société sera bénéficiaire d’un produit d’assurance sur la vie de chacun d’eux. Le but de la catégorie est de faire en sorte que seuls les actionnaires survivants puissent retirer de la société le produit de la police d’assurance prise sur la vie de l’actionnaire décédé, afin de leur faciliter le paiement du prix de vente des actions de l’actionnaire décédé à sa succession.

La catégorie «à vie unique» est aussi pratique pour faire en sorte que le produit d’assurance pris par la société sur la vie de son actionnaire puisse profiter à une ou plusieurs autres personnes qui, mises à part les actions d’assurance vie, ne détiennent aucune autre participation dans la société.

Quant à la catégorie «à sens unique», elle est utile pour permettre à l’actionnaire d’une société, laquelle société détient une police sur la vie de cet actionnaire, de faire en sorte que les actions participantes détenues par cet actionnaire puissent être léguées à une personne, tout en réservant à une autre personne le produit d’assurance pouvant être perçu sur sa vie par la société. 

Certains droits et restrictions afférents aux actions d’assurance vie sont les mêmes, quelle que soit la catégorie utilisée. Par contre, d’autres droits et restrictions sont particuliers à l’une ou à l’autre de ces catégories.

1.1. Droits et restrictions communs

Chacune des catégories d’actions d’assurance vie, qu’elle soit identifiée comme à vies multiples, à vie unique ou à sens unique, tel que vu ci-dessus, a les droits et restrictions suivants.

1.1.1. Droit de vote

Les actions d’assurance vie ne comportent pas droit de vote. Leur mission n’est pas de s’immiscer dans le pouvoir décisionnel de la société, mais de canaliser le produit d’assurance vers certaines personnes.

1.1.2. Participation additionnelle

Hormis le dividende auquel les actions d’assurance vie donnent droit, elles ne participent pas autrement dans les profits ou surplus d’actifs de la société.

1.1.3. Dividendes

C’est ici qu’une catégorie d’actions d’assurance vie prend tout son sens. La seule participation des actions d’assurance vie consiste dans le droit du ou des détenteurs de ces actions, par priorité sur les actions de toute autre catégorie de la société, à tout dividende correspondant au produit de toute police d’assurance vie prise sur la vie de l’un ou l’autre de ses actionnaires. Il est important de mentionner que le ou les dividendes déclarés et versés à même ce produit d’assurance proviennent plus particulièrement du compte de dividendes en capital («CDC») créé par la perception de ce produit. Ou encore, les actions d’assurance vie peuvent ne donner droit qu’au montant du CDC créé par la perception du produit d’assurance, laissant dans la société, au bénéfice des autres actionnaires de la société, toute partie de ce produit qui correspond au coût de base rajusté (« CBR ») de la police d’assurance visée. 

1.1.4. Remboursement de capital

Le prix de rachat ou d’achat de gré à gré des actions doit être diminué du montant de tout remboursement de capital effectué par la société en faveur du détenteur de la catégorie concernée, et ce, à compter de la date de ce remboursement de capital.

1.2. Droits et restrictions particuliers en ce qui a trait
à la catégorie à vies multiples

La situation visée par cette catégorie d’actions d’assurance vie est celle où tous les actionnaires souscrivent à une seule catégorie d’actions d’assurance vie couvrant toutes les polices prises sur leur vie et où seuls les actionnaires survivants ont droit de se partager le produit de la ou des polices prises sur la vie de l’actionnaire décédé. Par exemple, dans une société ayant trois actionnaires, A, B et C, ceux-ci souscrivent tous à la même catégorie d’actions d’assurance vie et, lors du décès de l’un d’entre eux (disons A), les actions détenues par ce dernier sont automatiquement rachetées par la société et annulées, de sorte que seuls B et C peuvent se partager le produit d’assurance sur la vie de A.

1.2.1. Dividendes

En plus de la clause de dividendes ci-dessus mentionnée et commune à toutes les catégories d’actions d’assurance vie, dans le cas où la catégorie utilisée est celle à vies multiples, il est prévu qu’advenant le décès de l’actionnaire dont la vie est assurée par la société, aucun dividende ne sera déclaré par la société avant le rachat des actions d’assurance vie détenues par l’actionnaire décédé. L’objectif est que seuls les actionnaires survivants puissent recevoir le produit de la police d’assurance prise sur la vie de l’actionnaire décédé.

1.2.2. Remboursement

Dans le cas de dissolution ou de liquidation, ou autre distribution de biens par la société, les détenteurs des actions d’assurance vie ont droit au paiement du montant versé au compte capital-actions émis et payé pour ces actions, ainsi qu’au paiement des dividendes acquis et non payés sur ces actions.

1.2.3. Rachat automatique

Le décès d’un détenteur entraîne automatiquement le rachat par la société de toutes les actions d’assurance vie qu’il détient dans le capital-actions de la société pour un prix égal au montant versé au compte capital-actions émis et payé pour ces actions. Ainsi, l’actionnaire qui décède cesse de participer dans la catégorie d’actions d’assurance vie, de sorte que seuls son ou ses coactionnaires survivants puissent en bénéficier.

1.2.4. Droit d’achat

Il est prévu que la société peut, sans avis, lorsqu’elle le juge à propos, sans tenir compte des autres catégories d’actions, acheter de gré à gré toute ou une partie des actions d’assurance vie en circulation, au meilleur prix possible.

1.2.5. Détention par une personne morale

Dans le cas où les actions d’assurance vie sont détenues par une personne morale (par exemple la société de portefeuille de la personne physique dont la vie est assurée par la société en exploitation), il est précisé que cette personne morale désigne la personne physique comme sa représentante, et qu’advenant le décès de sa représentante, la personne morale est elle-même considérée avoir fait l’objet d’un rachat automatique de ces actions d’assurance vie.

1.3. Droits et restrictions particuliers en ce qui a trait
 à la catégorie à vie unique

La situation visée par ce genre de catégorie d’actions d’assurance vie est celle où la société, pour chacun des actionnaires sur la vie duquel elle sera titulaire et/ou bénéficiaire d’une police d’assurance, créera une catégorie d’actions distincte donnant droit à ou aux détenteurs de la catégorie au produit de la police d’assurance vie prise sur l’actionnaire assuré. Par exemple, dans le cas d’une société ayant trois actionnaires, A, B, et C, les actions de la catégorie d’actions donnant droit au produit de l’assurance sur la vie de C seront détenues par A et B, tandis que A et C détiendront les actions de la catégorie d’actions donnant droit au produit de la police d’assurance prise sur la vie de B et, finalement, B et C détiendront les actions de la catégorie d’actions donnant droit au produit de la police d’assurance sur la vie de A. Et si l’un des deux actionnaires détenant des actions de la catégorie donnant droit au produit de l’assurance prise sur la vie du troisième actionnaire décédait avant ce dernier, ses actions seraient automatiquement rachetées pour que seul le survivant d’entre eux, à qui incomberait l’obligation d’acquérir les actions de ce troisième actionnaire, puisse profiter du produit de la police d’assurance prise sur la vie de ce troisième actionnaire. 

1.3.1. Dividende

À la clause de dividende ci-dessus mentionnée et commune à toutes les catégories d’actions d’assurance vie, il sera spécifié le nom de l’actionnaire sur la vie duquel est prise la police visée par la catégorie.

1.3.2. Rachat automatique

Le décès d’un détenteur entraîne automatiquement le rachat par la société de toutes les actions d’assurance vie qu’il détient dans le capital-actions de la société pour un prix égal au montant versé au compte capital-actions émis et payé pour ces actions. Ainsi, l’actionnaire qui décède cesse de participer dans la catégorie d’actions d’assurance vie, de sorte que seuls son ou ses coactionnaires survivants puissent en bénéficier.

1.3.3. Rachat au gré de la société

Les actions d’assurance vie sont rachetables au gré de la société, en tout temps, du vivant de l’actionnaire dont la vie est couverte par cette catégorie, pour un prix équivalant au montant versé au compte capital-actions émis et payé pour ces actions. Par exemple, la société voudra sans doute exercer ce droit de rachat des actions d’un détenteur dans le cas où ce détenteur cesserait, par ailleurs, de son vivant, de détenir des actions ordinaires de la société. S’il n’est plus actionnaire, il n’y a plus lieu pour lui de détenir des actions d’assurance vie qui lui auraient permis de participer dans un produit d’assurance en vue d’acquérir d’autres actions ordinaires. S’il est aussi prévu que la société peut, à son gré, racheter ces actions d’assurance vie après le décès de l’actionnaire dont la vie est couverte par cette catégorie, le montant du rachat doit alors correspondre au montant versé, plus l’excédent du montant du produit d’assurance perçu par la société sur la vie de l’actionnaire décédé, sur le montant de tout dividende déclaré sur ces actions, le cas échéant, avant un tel rachat.

1.3.4. Rachat à la demande du détenteur

S’il est prévu une clause de rachat à la demande du détenteur, le prix de rachat doit alors être le même que celui vu ci-dessus en cas de rachat au gré de la société, toujours avec la différence de prix de rachat selon que celui-ci s’effectue avant ou après le décès de l’actionnaire dont la vie est couverte par la catégorie.

1.4. Droits et restrictions particuliers en ce qui a trait
à la catégorie à sens unique

Le but de ce genre d’actions est de canaliser dans une seule catégorie la valeur d’une police d’assurance prise sur la vie d’un actionnaire. Par exemple, dans le cas d’une société dont les actions de toutes catégories sont souscrites par A, faire en sorte qu’une seule catégorie d’actions donne droit au produit de la police prise sur la vie de A (au décès de celui-ci) ou à la valeur de cette police (si rachat ou achat de ces actions du vivant de A). Ensuite, s’assurer que cette catégorie d’actions aille à la ou aux personnes à qui A veut qu’elle profite. Il est important de refléter dans les droits et restrictions d’une telle catégorie d’actions d’assurance vie le plus d’éléments possible pour faire en sorte que seule cette catégorie d’assurance vie bénéficie de la valeur de la police d’assurance à laquelle elle donne droit, de même que de l’éventuel produit d’assurance que la société percevra sur la vie de l’actionnaire assuré.

Voici quelques droits et restrictions particuliers qu’une catégorie d’actions à sens unique doit comprendre.

1.4.1. Remboursement

Dans le cas de dissolution ou liquidation, ou autre distribution de biens de la société, du vivant de l’actionnaire dont la vie est assurée par la société, le détenteur des actions d’assurance vie a droit, par priorité sur les détenteurs des autres catégories d’actions, à un montant correspondant à la valeur de rachat de la police couverte par la catégorie, si valeur de rachat il y a, ou pour le moins au paiement du montant versé au compte capital-actions émis et payé pour ces actions. Si un tel remboursement doit avoir lieu après le décès de l’actionnaire dont la vie est assurée par la société, le détenteur de la catégorie a alors droit au plein montant du produit de la police d’assurance, ou le cas échéant, si une partie de ce produit d’assurance a été déjà déclarée et versée sous forme de dividende au détenteur de la catégorie, le remboursement correspondra alors à la différence entre le montant du produit perçu par la société et le montant du dividende déclaré et versé sur la catégorie.

1.4.2. Rachat au gré de la société

Les actions d’assurance vie sont rachetables au gré de la société, en tout temps :

•si avant le décès de l’actionnaire dont la vie est assurée par la société, pour le montant correspondant au plus élevé de la valeur de rachat de la police au moment du rachat ou du montant versé au compte capital-actions émis et payé afférent à ces actions;

•si après le décès de l’actionnaire dont la vie est assurée par la société, pour un montant correspondant à l’excédent du montant du produit d’assurance perçu par la société sur la vie de l’actionnaire décédé visé par la catégorie, sur le montant de tout dividende déclaré sur ces actions, le cas échéant, avant tout tel rachat.

1.4.3. Rachat au gré du détenteur

Ces actions d’assurance vie sont également rachetables au gré du détenteur, en tout temps, avant ou après le décès de l’actionnaire dont la vie est assurée par la société, pour un prix de rachat identique à celui-ci, vu ci-dessus, pour le rachat au gré de la société. 

Quant au paiement du prix de rachat, qu’il ait lieu au gré de la société ou au gré du détenteur, il sera prévu que la société peut différer le paiement jusqu’au moment de la réception par la société du produit de la police d’assurance sur la vie de l’actionnaire décédé.

1.5. Actions à dividende discrétionnaire

Depuis l’avènement du concept d’actions à dividende discrétionnaire, l’utilisation des actions d’assurance vie est moins nécessaire, particulièrement dans le contexte des conventions entre actionnaires, puisqu’il est possible de diriger le produit d’une police d’assurance prise sur la vie d’un actionnaire et perçu par la société vers la ou les catégories d’actions à dividende discrétionnaire décidées par les actionnaires dans leur convention entre actionnaires.

Ainsi, il suffit aux actionnaires détenteurs des actions ordinaires à dividende discrétionnaire de prévoir une clause de convention unanime en vertu de laquelle ils obligent les administrateurs de la société à verser en dividende le produit de l’assurance perçue par la société sur la vie de l’actionnaire décédé, uniquement aux catégories d’actions ordinaires détenues par les actionnaires survivants. Le résultat est le même que celui que les actionnaires auraient pu obtenir en souscrivant à des catégories d’actions d’assurance vie du genre «à vies multiples» ou «à vie unique» vues ci-dessus.

1.6. Convention entre actionnaires versus actions d’assurance vie

Bien qu’une ou plusieurs catégories d’actions d’assurance vie puissent être prévues dans le capital-actions autorisé d’une société, elles sont rarement utilisées dans le contexte de la situation classique d’une société qui, pour faciliter le paiement des actions d’un actionnaire décédé à sa succession, a assuré la vie de ses actionnaires ou est bénéficiaire du produit des polices d’assurance prises sur la vie de ses actionnaires. En effet, lorsqu’une société perçoit le produit d’une police d’assurance prise sur la vie d’un de ses actionnaires, la convention intervenue entre les actionnaires suffit habituellement pour atteindre l’objectif des actionnaires, comme il est mentionné ci-dessus, sans même le besoin d’utiliser des actions d’assurance vie ou à dividende discrétionnaire. Il est habituellement prévu dans la convention entre actionnaires que la valeur des actions ne tiendra pas compte de tout produit d’une police d’assurance perçu par la société sur la vie d’un de ses actionnaires. Puis, selon les circonstances, la convention entre actionnaires prévoira :

•soit un achat ou un rachat des actions de l’actionnaire décédé par la société elle-même, auquel cas la société utilisera le produit de l’assurance perçu sur la vie de l’actionnaire décédé pour payer ses actions à sa succession, avec instructions, préférablement, de faire bénéficier la succession du CDC de la société généré par la perception de la police d’assurance prise sur la vie de l’actionnaire décédé;

•soit une distribution du produit d’assurance et du CDC aux actionnaires survivants, après que ceux-ci auront procédé à l’achat des actions de l’actionnaire décédé, permettant ainsi aux actionnaires survivants de ne pas avoir à partager ce produit d’assurance ou ce CDC avec l’actionnaire décédé ou sa succession et de pouvoir consacrer l’entièreté de ces fonds au paiement du prix d’achat des actions de l’actionnaire décédé.

2. EXEMPLES D’UTILISATION DES ACTIONS
D’ASSURANCE VIE

Voici quelques exemples d’utilisation d’actions d’assurance vie.

2.1. Produit distribué aux actionnaires survivants (version 1)

• Société détenue par A, B et C (chacun détenant un tiers des actions ordinaires).

•Convention entre actionnaires prévoyant l’achat par les survivants des actions du défunt.

•Société titulaire et bénéficiaire de polices d’assurance sur la vie de chacun de A, B et C.

•Émission d’actions d’une catégorie d’assurance vie «à vies multiples», en parts égales, à chacun de A, B et C.

•A décède :

•les actions d’assurance vie de A font l’objet d’un rachat automatique en vertu des droits et restrictions de la catégorie d’actions d’assurance vie;

•produit d’assurance sur la vie de A distribué à B et C sur leurs actions d’assurance vie;

•B et C achètent les actions de A en utilisant le produit de l’assurance versée sur leurs actions d’assurance vie en paiement (total ou partiel) des actions de A.

A, B et C auraient pu se contenter d’une convention entre actionnaires prévoyant, soit l’achat des actions de l’actionnaire décédé par la société (payable à même le produit d’assurance perçu sur la vie de ce dernier), soit l’achat des actions de l’actionnaire décédé par les actionnaires survivants, suivi de la distribution du produit de l’assurance aux actionnaires survivants.

Ou encore, dans le cas où A, B et C ont souscrit à des actions ordinaires à dividende discrétionnaire, ils auraient pu convenir, par une clause de convention unanime d’actionnaires, que la distribution du produit de la police d’assurance prise sur la vie de l’actionnaire décédé se ferait sur les catégories d’actions ordinaires des actionnaires survivants.

En toutes circonstances, il aurait été prévu, dans la convention entre actionnaires, que la valeur des actions de la société ne doit pas être affectée par le produit de la police d’assurance perçu par la société sur la vie de l’un de ses actionnaires.

2.2. Produit distribué aux actionnaires survivants (version 2)

• Société détenue par A, B et C (50 % – 25 % – 25 %).

•Société titulaire et bénéficiaire de polices d’assurance sur la vie de chacun de A, B et C.

•Création de trois catégories d’actions d’assurance vie «à vie unique» :

•Actions AV-1 donnant droit au produit d’assurance sur la vie de A;

•Actions AV-2 donnant droit au produit d’assurance sur la vie de B;

•Actions AV-3 donnant droit au produit d’assurance sur la vie de C.

•Convention entre actionnaires prévoyant l’achat par les actionnaires survivants des actions de l’actionnaire décédé, au prorata de leur participation dans la société.

•Les actions AV-1 sont souscrites par B et C, en parts égales entre eux.

•Les actions AV-2 sont souscrites par A et C, dans la proportion 2/3 – 1/3.

•Les actions AV-3 sont souscrites par A et B, dans la proportion 2/3 – 1/3.

•Au décès de A, B ou C, les survivants ont droit au produit de la police d’assurance prise sur la vie du décédé, en dividende sur leurs actions d’assurance vie, en proportion de leur obligation d’achat des actions de l’actionnaire décédé.

•Les actions d’assurance vie que détenait l’actionnaire décédé sont rachetées par la société et annulées.

A, B et C auraient pu se contenter d’une convention entre actionnaires, prévoyant soit l’achat des actions de l’actionnaire décédé par la société (payable à même le produit d’assurance perçu sur la vie de ce dernier), soit l’achat des actions de l’actionnaire décédé par les actionnaires survivants, suivi de la distribution du produit de l’assurance aux actionnaires survivants.

Ou encore, si A, B et C ont souscrit à des actions ordinaires à dividende discrétionnaire, ils auraient pu convenir dans le cas où, par une clause de convention unanime d’actionnaires, la distribution du produit de la police d’assurance prise sur la vie de l’actionnaire décédé se ferait sur les catégories d’actions ordinaires des actionnaires survivants.

2.3. Produit distribué à la succession de l’actionnaire décédé

Il arrive que les actionnaires d’une société conviennent entre eux que la totalité du produit de la police d’assurance vie prise sur la vie de chacun d’eux devra se retrouver dans sa succession, que ce soit en paiement de la valeur des actions de l’actionnaire décédé ou autrement. Il est généralement contre-productif de gonfler la valeur des actions d’un actionnaire au-delà d’une juste valeur marchande («JVM») raisonnable pour ces actions du simple fait que la société aura perçu un produit d’assurance sur sa vie dont le montant est supérieur à cette JVM. Vouloir associer la JVM des actions d’un actionnaire au montant du produit de la police d’assurance détenue sur sa tête pose problème, non seulement à l’égard des obligations prévues dans les lois fiscales pour les transactions entre personnes avec lien de dépendance, mais aussi quant à la conversion d’un montant qui aurait pu être libre d’impôt (produit d’assurance vie – CDC) en un montant imposable (gain en capital sur actions vendues).

Il est donc préférable d’éviter que la partie du produit d’assurance vie qui excède la JVM des actions de l’actionnaire décédé ne soit convertie en produit de disposition additionnelle pour ces actions. Pour ce faire, les actionnaires peuvent convenir dans leur convention que toute partie du produit d’assurance perçu sur la vie de l’actionnaire décédé qui excède celle requise pour le paiement de la JVM des actions de cet actionnaire décédé fera l’objet d’un dividende sur les actions de l’actionnaire décédé préalablement à la disposition de ses actions. Cela sera d’autant plus facile si l’actionnaire décédé détient des actions d’une catégorie distincte d’actions à dividende discrétionnaire.

Ou alors, chaque actionnaire pourra détenir une catégorie d’actions d’assurance vie qui, en vertu des droits et restrictions afférents à cette catégorie dans les statuts de la société, donnera droit au détenteur à un dividende correspondant au montant du produit de la police d’assurance perçue par la société sur la vie de l’actionnaire décédé qui excède toute partie de ce montant, qui sera requise par ailleurs aux fins de l’acquisition des actions de l’actionnaire décédé.

2.4. Produit dirigé vers une ou des personnes en particulier

Pour différentes raisons, une société voudra diriger le produit d’une police d’assurance prise sur la vie de son actionnaire, vers un bénéficiaire autre que l’actionnaire dont la vie est assurée, malgré le fait que ce soit la société dont il est actionnaire qui perçoive le produit d’assurance.

Une catégorie d’actions d’assurance vie est alors un excellent moyen de diriger ce produit d’assurance vers une autre personne que l’actionnaire de la société.

•La société possède une police d’assurance sur la vie de A, son actionnaire unique.

•La société est bénéficiaire de la police d’assurance prise sur la vie de A.

•A souhaite que le produit de la police d’assurance profite à quelqu’un d’autre qu’à lui-même ou à sa succession. Voici quelques situations :

•à son conjoint ou ex-conjoint. Par exemple, l’actionnaire voudra que son ex-conjoint bénéficie du produit d’assurance, alors qu’il entend léguer ses actions à ses enfants (ou à un nouveau conjoint);

•à une fiducie familiale créée du vivant de l’actionnaire unique. Par exemple, l’actionnaire voudra conserver la flexibilité de distribuer le produit d’assurance (et le CDC en découlant) à ou aux bénéficiaires de son choix parmi la liste des bénéficiaires postulants prévus dans l’acte de la fiducie, sans qu’il soit nécessaire que tous ces bénéficiaires détiennent personnellement des actions d’assurance vie; en étant également fiduciaire de la fiducie, l’actionnaire aura cette discrétion et, comme la distribution de ce produit se fera nécessairement après son décès et à la fin de son mandat de fiduciaire, l’acte de fiducie devra avoir prévu une «faculté d’élire» en sa faveur, faculté qu’il exercera de son vivant dans un document écrit (lequel document pourra même être son testament);

•à une fiducie testamentaire créée par le testament de l’actionnaire décédé. Par exemple, l’actionnaire unique de la société souhaite que le produit de la police d’assurance prise sur vie par la société soit utilisé à une fin particulière, dont il fait l’affectation d’un patrimoine fiduciaire qu’il crée par son testament et auquel patrimoine il lègue ses actions d’assurance vie;

•à certains de ses enfants, mais pas tous. Par exemple, l’actionnaire voudra que le produit d’assurance profite à son ou ses enfants qui n’hériteront pas des actions participantes de la société, en compensation de la valeur de ces actions participantes que seuls les enfants actifs au sein de la société recevront; 

•à son enfant, alors qu’il entend «rouler» les actions participantes en faveur de son conjoint; 

•à la succession de son enfant décédé. Par exemple, l’auteur d’un gel souhaite que les actions participantes détenues par l’un de ses enfants (bénéficiaire de premier rang du gel) puissent passer aux descendants de cet enfant lors de son décès (bénéficiaires de second rang), ce que la convention intervenue entre les membres de la famille actionnaires de la société permettra par ailleurs, suivant les conditions dont auront convenu les parties à la planification : dans un tel cas de transmission à ses descendants autorisés, l’enfant décédé ne recevrait aucun montant pour ses actions lors de son décès, mais aurait un impôt à payer à la suite de la disposition réputée de celles-ci; la planification successorale mise sur pied devrait permettre que le produit de la police d’assurance prise par la société sur la vie de l’enfant décédé et qui ne servira pas alors à acheter ou racheter les actions de ce dernier (puisqu’elles seront léguées à ses descendants autorisés) puisse être acheminé à sa succession pour le paiement de cet impôt; 

•à un employé clé. Par exemple, l’actionnaire a un employé clé à qui il aimerait transmettre sa société à une juste valeur (pour protéger sa succession) advenant son décès, mais qui sait que l’employé clé n’a pas les moyens d’assurer la vie de l’actionnaire pour un tel montant. Il est donc convenu avec l’employé clé que la société prendra une police sur la vie de son actionnaire et que le produit de cette police sera canalisé vers l’employé clé, grâce à des actions d’une catégorie d’assurance vie, afin que ce dernier puisse utiliser ce produit d’assurance pour acheter la société lors du décès de l’actionnaire;

•à un organisme de bienfaisance. Par exemple, l’actionnaire veut laisser à ses héritiers la valeur de ses actions participantes dans sa société, mais souhaite que le produit de la police d’assurance prise sur sa vie par sa société profite à un organisme de bienfaisance qui lui tient à cœur. 

•Les actions d’assurance vie sont, selon le cas :

•soit souscrites directement par la ou les personnes devant bénéficier du produit d’assurance;

•soit souscrites par l’actionnaire dont la vie est assurée, puis vendues ou données à la ou aux personnes devant bénéficier du produit d’assurance;

•soit souscrites et conservées par l’actionnaire dont la vie est assurée, puis, lors de son décès, léguées à la personne, à l’organisme ou au patrimoine fiduciaire à qui il entend faire profiter le produit d’assurance. 

On pourrait se demander pourquoi faire prendre par une société une police d’assurance sur sa vie alors que l’on sait que le produit de cette police d’assurance doit aller à une personne autre que la société titulaire ou bénéficiaire de la police, ou profiter à la succession de l’actionnaire dont la vie est assurée. Parmi les réponses à cela, mentionnons que la société :

•dispose plus aisément des liquidités requises pour le paiement des primes;

•peut payer les primes à même des fonds imposés à un taux moindre que celui auquel aurait été assujetti l’actionnaire personnellement.

3. CONSIDÉRATIONS D’ORDRE FISCAL ASSOCIÉES
À L’UTILISATION DES ACTIONS D’ASSURANCE VIE

L’utilisation d’actions d’assurance vie soulève deux questions principales :

•Quelle sera la JVM de ces actions d’assurance vie?

•Y a-t-il un avantage imposable en faveur du détenteur d’actions d’assurance vie du fait que la société paie des primes sur une police d’assurance qui profitera au détenteur de ces actions d’assurance vie?

3.1. Juste valeur marchande des actions d’assurance vie

Relativement à la question de la JVM pouvant être attribuable à des actions d’assurance vie, hormis les commentaires généraux que l’on retrouve dans la Circulaire d’information IC89-3, lequel exposé comprend plusieurs paragraphes afférents à la détermination de la JVM d’actions de sociétés privées, c’est surtout dans deux tables rondes lors de congrès de l’Association de planification fiscale et financière (« APFF ») que l’on retrouve des commentaires plus précis sur la valeur à donner à des actions d’assurance vie.

3.1.1. Congrès 2005 de l’APFF – Question 12

À la question 12 intitulée «Actions d’assurance vie – A» de la Table ronde sur les produits financiers du Congrès 2005 de l’APFF, il est fait mention d’une situation où l’actionnaire unique d’une société désire léguer ses actions ordinaires à son conjoint, mais souhaiterait que le produit de la police d’assurance vie prise sur sa vie par la société soit versé à une autre personne, en l’occurrence son enfant majeur. Pour atteindre ces objectifs, les transactions suivantes sont envisagées :

•Création d’une catégorie d’actions d’assurance vie du genre «à sens unique» tel que vu ci-dessus, c’est-à-dire que les actions de cette catégorie, entre autres, ne comportent pas droit de vote, donnent droit à un dividende d’un montant correspondant au produit de la police d’assurance prise par la société sur la vie de l’actionnaire unique (ce dividende ne pouvant être déclaré que par suite du décès de cet actionnaire unique), donnent droit à leur détenteur, advenant le rachat de ces actions, à un prix de rachat équivalent au montant de la valeur de rachat de la police d’assurance prise sur la vie de l’actionnaire unique de la société, si ce rachat des actions d’assurance vie s’effectue du vivant de l’actionnaire unique, ou au montant du produit de l’assurance (moins tout dividende déclaré préalablement à même ce produit) si ce rachat a lieu après le décès de l’actionnaire unique. Le détenteur de la catégorie d’actions d’assurance vie a droit à cette valeur de rachat, qu’il s’agisse d’un rachat au gré de la société, d’un rachat au gré du détenteur ou d’une distribution advenant la liquidation ou dissolution de la société.

•L’enfant majeur souscrit à une action d’assurance vie pour 1 $.

•La société souscrit à la police d’assurance. Au moment de la souscription de la police, la valeur de rachat de celle-ci est nulle, compte tenu des frais de rachat applicables à celle-ci.

La question à l’Agence du revenu du Canada («ARC») est la suivante : advenant le décès de l’actionnaire unique, l’ARC peut-elle confirmer qu’immédiatement avant ce décès, la valeur de rachat de la police ne viendra pas augmenter la JVM des actions ordinaires détenues par l’actionnaire unique, mais bien celle de l’action d’assurance vie qui donne droit à cette valeur en vertu des droits et restrictions afférents à cette catégorie, le tout conformément au paragraphe 70(5.3) L.I.R.?

Dans sa réponse, l’ARC mentionne ce qui suit :

•Le paragraphe 70(5.3) L.I.R. vient réputer que la juste valeur d’une police d’assurance vie est égale à la valeur de rachat de la police immédiatement avant le décès du particulier.

•Le libellé du paragraphe 70(5.3) L.I.R. ne précise pas comment répartir la valeur de rachat d’une police d’assurance vie entre les différentes catégories d’actions.

•De façon générale, l’ARC est d’avis qu’il serait raisonnable de répartir la valeur de rachat de la police d’assurance entre les catégories d’actions en se basant sur les droits et conditions qui y sont rattachés, de la même façon qu’on effectuerait l’allocation de la valeur en bloc d’une entreprise parmi les différentes catégories d’actions en circulation.

•Dans la présente situation, la catégorie d’actions d’assurance vie émises à l’enfant majeur est rachetable, au gré du détenteur et au gré de la société, immédiatement avant le décès de l’actionnaire assuré, à un montant qui équivaut à la valeur de rachat de ladite police.

•Par ailleurs, selon les faits fournis dans le présent cas, il ne serait pas déraisonnable d’allouer, immédiatement avant le décès, le montant de la valeur de rachat de la police à la catégorie d’actions d’assurance vie.

•Par conséquent, la valeur des actions ordinaires détenues par l’actionnaire unique dans la présente situation ne tiendrait pas compte de la valeur de rachat de la police sur la vie de cet actionnaire.

Il semble que les efforts déployés pour la rédaction des droits et restrictions des actions d’assurance vie «à sens unique» portent leurs fruits et que la valeur de la police d’assurance prise par la société sur la vie de son actionnaire puisse être entièrement canalisée vers la catégorie d’actions d’assurance vie créée à cet effet.

Et quelle serait la valeur de cette catégorie d’actions d’assurance vie pour le détenteur de cette catégorie? En corollaire à la réponse de l’ARC quant à la valeur à donner aux actions ordinaires de la société (laquelle valeur ne tiendrait pas compte de la valeur de rachat de la police sur la vie de l’actionnaire), il faut en conclure que c’est l’action d’assurance vie qui prendrait la valeur de la police d’assurance. 

Ainsi, du vivant de l’actionnaire dont la vie est assurée («actionnaire assuré»), la JVM de l’action d’assurance vie devrait être égale au plus élevé du montant que représente la valeur de rachat de la police sur la vie de l’actionnaire assuré et du montant versé au compte de capital-actions émis et payé pour cette action. Par contre, cette JVM pourrait être supérieure à ce montant si les facteurs à considérer, selon l’ARC, pour déterminer la valeur d’une police d’assurance vie, le justifiaient. Ces facteurs comprennent les suivants :

•la valeur de rachat de la police;

•le montant du prêt sur police qui peut être obtenu;

•la valeur nominale;

•l’état de santé de la personne assurée et son espérance de vie;

•les privilèges de conversion;

•les autres modalités de la police, par exemple les avenants temporaires et les clauses de doublement de la prestation;

•le coût de remplacement.

Par exemple, si le décès de l’actionnaire dont la vie est assurée est considéré comme imminent et qu’il convient de considérer ce facteur pour évaluer la police, la valeur pourra être supérieure à la valeur de rachat de la police. Toutefois, toujours selon la circulaire d’information, l’évaluateur doit également tenir compte des facteurs suivants :

•la possibilité que la personne assurée recouvre la santé et ne meure pas;

•les répercussions que la perte d’une personne clé entraînerait pour les activités commerciales;

•le fait que le bloc d’actions à évaluer représente une participation majoritaire ou minoritaire au capital-actions en circulation; et

•l’importance attachée dans les circonstances aux facteurs autres que la valeur de l’actif; par exemple, les bénéfices futurs qui sont prévus et les possibilités de versement de dividendes.

Ce n’est qu’à compter du décès de l’actionnaire assuré que l’action d’assurance vie aura une valeur supérieure à sa valeur de rachat, s’il en est une, ou au montant versé au compte de capital-actions émis et payé pour cette action. En effet, l’action d’assurance vie donnant droit, à l’exclusion des autres catégories d’actions de la société, à un dividende équivalent au montant du produit de la police d’assurance prise sur la vie de l’actionnaire décédé, il faudra dorénavant tenir compte du droit à ce dividende dans l’évaluation de l’action d’assurance vie.

3.1.2. Congrès 2005 de l’APFF – Question 13

Également en 2005, l’opportunité a été donnée à l’ARC de se prononcer sur la JVM pouvant être donnée à une catégorie d’actions d’assurance vie, que ce soit lors de son émission ou lors du décès de son détenteur. Cependant, contrairement à la question 12 vue ci-dessus, où la catégorie d’actions d’assurance vie jouissait de multiples droits et restrictions l’avantageant (actions d’assurance vie de style «à sens unique»), la question 13 portait sur une catégorie d’actions d’assurance vie de style «à vie unique», c’est-à-dire des actions sans droit de vote, non participantes et rachetables à 1 $ par action au gré de la société. L’unique véritable prérogative de la catégorie d’assurance vie envisagée à cette question 13 était de donner droit au détenteur d’action(s) de cette catégorie de recevoir un dividende égal au produit de la police d’assurance vie reçu par la société lors du décès de l’actionnaire dont la vie était couverte par cette catégorie. 

La seule autre catégorie d’actions émises par la société consistait en des actions ordinaires détenues en totalité par l’actionnaire unique.

La question envisageait deux situations :

Situation A

•Un enfant majeur souscrit à une action d’assurance vie pour 1 $; 

•Postérieurement à cette souscription, la société acquiert une police d’assurance de type temporaire 100 ans (sans valeur de rachat) sur la vie de l’actionnaire unique; 

•La société est titulaire et bénéficiaire de la police et en paie les primes. 

La question à l’ARC

L’ARC peut-elle confirmer que la JVM de cette action d’assurance vie lors de son émission est de 1 $?

Situation B

•L’actionnaire unique souscrit à une action d’assurance vie pour 1 $; 

•Postérieurement à cette souscription, la société acquiert une police d’assurance sur la vie de l’actionnaire, pouvant cette fois avoir une valeur de rachat; 

•La société est titulaire et bénéficiaire de la police et en paie les primes;

•Au moment de son décès, l’actionnaire détient la totalité des actions ordinaires et l’action d’assurance vie;

•De plus, la police d’assurance comporte à ce moment une valeur de rachat.

Bref, le contexte envisagé dans ces Situations A et B est celui d’une catégorie d’actions d’assurance vie couvrant une seule vie, ne donnant pas droit à la valeur de rachat de la police prise sur cette vie, mais dont le produit de la police d’assurance lui est réservé.

La question à l’ARC

L’ARC peut-elle indiquer si, aux fins du calcul du gain en capital réputé immédiatement avant le décès en vertu du paragraphe 70(5.3) L.I.R., la valeur de rachat du contrat d’assurance vie sera prise en compte dans l’évaluation de la valeur marchande des actions ordinaires ou de l’action d’assurance vie?

Réponses de l’ARC

Situation A

Sur la question de la JVM d’une action d’assurance vie lors de son émission, l’ARC ne s’est pas prononcée et s’est contentée de rappeler certains principes généraux :

•la JVM d’une action doit être déterminée selon les méthodes d’évaluation reconnues et tenir compte de tous les facteurs pertinents se rapportant à l’action;

•l’ARC ne préconise pas une méthode unique d’évaluation;

•l’ARC accepte maintenant d’examiner les demandes des contribuables concernant des sujets complexes en matière d’évaluation;

•toutefois, l’ARC n’émet pas d’opinion sur la valeur d’un bien ou sur les estimations ou les énoncés qu’un contribuable propose.

S’il fallait se prononcer sur la JVM d’une telle action d’assurance vie, émise pour 1 $ et rachetable au gré de la société à ce même montant, nous pourrions dire que cette JVM à ce moment est de 1 $, compte tenu du fait que le prix de rachat de l’action d’assurance vie émise dans cette Situation A ne comprend pas la valeur de rachat de la police d’assurance vie dont le produit est réservé à cette action d’assurance vie. Et même si cela avait été le cas, la police souscrite par la société ne comportant aucune valeur de rachat, cela n’aurait pas modifié notre appréciation de la JVM de l’action d’assurance vie visée à cette Situation A.

Situation B

Ici aussi, l’ARC débute avec des principes généraux :

•le libellé du paragraphe 70(5.3) L.I.R. ne précise pas comment répartir la valeur de rachat de la police d’assurance vie entre les différentes catégories d’actions de la société;

•de façon générale, l’ARC est d’avis qu’il serait raisonnable de répartir la valeur de rachat de la police d’assurance vie entre les catégories d’actions en se basant sur les droits et conditions qui y sont rattachés de la même façon que lors d’une répartition de la valeur en bloc d’une entreprise entre les différentes catégories d’actions en circulation.

Heureusement, l’ARC précise ensuite :

•il semble que la valeur en bloc de la société qui serait attribuée à l’action d’assurance vie immédiatement avant le décès de l’actionnaire assuré serait nominale;

•par conséquent, la valeur des actions ordinaires immédiatement avant le décès tiendrait compte de presque toute la valeur de rachat de la police d’assurance vie.

Dans la Situation B, contrairement à la Situation A, la police d’assurance a une valeur de rachat dont il faut tenir compte aux fins du paragraphe 70(5.3) L.I.R. Par contre, comme dans la Situation A, l’action d’assurance vie est acquise dans la Situation B pour 1 $. Également, cette action est rachetable à 1 $ au gré de la société sans tenir compte de la valeur de rachat de la police sous-jacente.

On pourrait alors se demander, dans la Situation B, pourquoi l’ARC mentionne que la valeur des actions ordinaires immédiatement avant le décès tiendrait compte de presque toute la valeur de rachat de la police d’assurance vie. Pourquoi pas toute cette valeur de rachat?

3.1.3. Congrès 2008 de l’APFF – Question 5

En 2008, l’APFF a donné une nouvelle opportunité à l’ARC de se prononcer sur la valeur marchande d’une action d’assurance vie au décès de son détenteur. Cependant, cette fois-ci, la question ne porte pas sur «quelle catégorie (entre les actions ordinaires et l’action d’assurance vie) devra prendre en compte la valeur de rachat de la police d’assurance vie», mais bien sur «quelle catégorie (toujours entre les actions ordinaires et l’action d’assurance vie) devra tenir compte du produit de la police d’assurance vie»? 

Voici le contexte de la question posée à l’ARC :

•Un contribuable est l’unique actionnaire d’une société.

•La société désire souscrire une police d’assurance temporaire (sans valeur de rachat) sur la vie de ce contribuable.

•La société sera titulaire et bénéficiaire de la police.

•Le contribuable désire que le produit de cette assurance vie bénéficie à une personne autre que la personne qui héritera de ses actions ordinaires.

•La société crée une catégorie spéciale d’actions (actions d’assurance vie) sans droit de vote, non participantes, rachetables au gré du détenteur, si avant le décès du contribuable, à la valeur d’émission de 1 $ et, si après le décès du contribuable, à sa valeur d’émission plus le produit de la police d’assurance vie.

•Par la suite, le contribuable acquiert une action spéciale pour 1 $.

•Au moment de son décès, le contribuable détient la totalité des actions ordinaires et l’action spéciale.

L’ARC peut-elle confirmer qu’immédiatement avant le décès du contribuable, la JVM de l’action spéciale, aux fins du paragraphe 70(5) L.I.R., correspondra à sa valeur d’émission de 1 $ et ne tiendra pas compte de la valeur du produit d’assurance vie payable au décès du contribuable, puisque le paragraphe 70(5.3) L.I.R. prévoit que seule la valeur de rachat de la police (qui, en l’occurrence, est nulle) souscrite sur la vie du contribuable assuré doit entrer dans l’évaluation des actions lors du décès du contribuable?

Réponse de l’ARC

La réponse de l’ARC est similaire à celle donnée à la réponse de la situation A de la question 12 de la Table ronde sur les produits financiers du Congrès 2005 de l’APFF. C’est-à-dire que l’ARC se contente de répéter des principes généraux afférents à l’évaluation d’une action. On y retrouve entre autres ce qui suit :

•L’ARC ne préconise pas une méthode unique d’évaluation.

•L’ARC n’a pas sa façon propre à elle pour calculer la JVM; tout repose sur les faits connus à la date de l’évaluation, auxquels sont appliqués les principes standards de l’Institut canadien des experts en évaluation d’entreprises.

•L’ARC accepte maintenant d’examiner les demandes des contribuables concernant des sujets complexes en matière d’évaluation.

•Le paragraphe 70(5.3) L.I.R. donne des précisions pour évaluer un actif qui est une police d’assurance vie, mais ne précise pas comment cette évaluation se répartit entre les différentes catégories d’actions.

Le seul élément particulier de la réponse de l’ARC se retrouve dans les lignes suivantes : 

«Pour cette raison, l’ARC ne peut conclure définitivement que la juste valeur marchande de l’action va toujours être la valeur d’émission.»

Ce qui laisse entendre que l’ARC considérerait que l’action d’assurance vie, sauf circonstances particulières, serait évaluée à sa valeur d’émission, jusqu’à la date du décès de l’actionnaire dont la vie est assurée et qui détient l’action d’assurance vie.

Dans le cas soumis à l’ARC à la question 5 ci-dessus mentionnée, cette conclusion paraît logique puisque :

•la police d’assurance n’a pas de valeur de rachat;

•l’action d’assurance vie est rachetable à sa valeur d’émission de 1 $ en tout temps avant le décès de l’assuré;

•la police d’assurance dont le produit est réservé au détenteur de l’action d’assurance vie peut être annulée à tout moment par la société qui l’a prise ou par l’assureur qui l’a émise si les primes ne sont pas payées dans les délais prescrits (le détenteur de l’action d’assurance vie n’a généralement aucun contrôle sur cette décision de la société); ou, si la société n’est que bénéficiaire du produit de la police d’assurance visée, rien ne garantit que la société sera toujours bénéficiaire de ce produit au jour du décès de l’assuré;

•l’action d’assurance vie ne comporte pas les droits et restrictions que l’on retrouve dans une catégorie d’assurance vie «à sens unique» où l’ARC considère qu’il n’est alors pas déraisonnable d’allouer le montant de la police à l’action d’assurance vie. Ce n’est qu’à compter du décès de l’actionnaire assuré que l’action d’assurance vie donnerait droit à un dividende égal au produit de l’assurance. 

Également, dans une interprétation donnée en 2005, l’ARC a considéré qu’il n’y avait pas d’avantage conféré en vertu du paragraphe 15(1) L.I.R. à l’enfant majeur de l’actionnaire unique d’une société à qui il est permis de souscrire, pour 1 $, à une action d’assurance vie si, à ce moment, ce prix de souscription reflète la JVM de cette action. L’action d’assurance vie décrite dans cette interprétation est du genre «à vie unique» vue ci-dessus, c’est-à-dire une action sans droit de vote, rachetable au gré de la société pour 1 $ par action, ne donnant droit qu’à un dividende égal au montant qui s’ajoutera au CDC de la société par suite de la perception du produit de la police d’assurance prise par la société sur la vie de son actionnaire unique. 

Pour éviter qu’une action d’assurance vie puisse être évaluée pour un montant supérieur à son prix de souscription, il est habituellement fait en sorte que cette action soit souscrite avant que la société ne prenne la police d’assurance dont l’action donnera droit au produit.

La JVM de l’action d’assurance vie changerait donc du tout au tout au jour du décès de l’actionnaire assuré. Elle passerait de 1 $ (valeur d’émission, sans tenir compte d’une valeur de rachat inexistante dans le présent cas), aux fins de la disposition réputée immédiatement avant le décès de l’actionnaire assuré, à une valeur correspondant au produit de la police d’assurance prise sur la vie de cet actionnaire aux fins de l’évaluation de l’action d’assurance vie entre les mains de sa succession.

3.2. Avantage imposable pour les primes payées par la société

Tous s’entendent pour dire que le paiement des primes d’une police d’assurance prise sur la vie d’un actionnaire par une société ne constitue pas un avantage à l’actionnaire dont la vie est assurée si c’est la société qui est titulaire et bénéficiaire de la police. Mais qu’advient-il si le produit de la police d’assurance, une fois perçu par la société bénéficiaire, est réservé à une personne en particulier? Nous n’avons trouvé aucune position particulière sur la question de la part de l’ARC. Il ne semble pas que le «bénéfice indirect» d’un produit d’assurance par le biais d’une action d’assurance vie (ou par celui d’une clause de convention unanime prévoyant la distribution du produit d’assurance sur certaines catégories d’actions, à l’exclusion de la catégorie détenue par l’assuré décédé) ait fait l’objet d’une prise de position de la part de l’ARC. Seul le «bénéfice direct» a été traité. 

Voici quelques exemples de positions de l’ARC sur la question de l’imposition d’un avantage découlant des primes payées sur une police par une société qui n’en est pas directement bénéficiaire.

3.2.1. Société mère bénéficiaire de la police prise
par sa société filiale

Depuis janvier 2010, l’ARC considère que les primes payées pour une police d’assurance par une société filiale, alors que la société mère est bénéficiaire de la police, confèrent maintenant un avantage à la société mère. Auparavant, ce n’était pas le cas. Il est vrai que dans cette situation la société qui est titulaire de la police et en paie les primes n’est pas bénéficiaire de celle-ci : ceci justifie le changement de position de l’ARC. 

Dans le cas d’une action d’assurance vie, la société qui paie les primes demeure bénéficiaire du produit de la police dont elle paie les primes.

3.2.2. Police d’assurance maladie grave

Bien que ce ne soit pas dans un contexte d’assurance vie, l’ARC a fait les commentaires suivants dans un cas d’assurance maladie grave :

•Lorsqu’une société est titulaire d’une police d’assurance contre les maladies graves dont la prestation lui est payable, l’ARC est d’avis que le paiement des primes par la société n’entraînerait généralement pas un avantage conféré à un actionnaire, imposable en vertu du paragraphe 15(1) L.I.R.

•Toutefois, si l’actionnaire est le bénéficiaire de la prestation ou du remboursement des primes en vertu de la police, le paiement par la société des primes y afférentes constituera un avantage pour l’actionnaire, lequel devra inclure le montant dudit avantage dans le calcul de son revenu en vertu du paragraphe 15(1) L.I.R., et ce, dans l’année du paiement desdites primes.

•L’ARC va même plus loin et mentionne qu’il en est de même (sur la question de l’avantage imposable pour l’actionnaire) dans la situation où la société paie les primes pour l’assurance contre les maladies graves (dont elle est le bénéficiaire) et que l’actionnaire paie les primes afférentes à l’avenant relatif au remboursement de primes (dont il serait le bénéficiaire), si la société subit un appauvrissement en raison de ces transactions. Ainsi, bien que l’actionnaire supporte lui-même les primes afférentes à l’avenant relatif au remboursement de primes, l’ARC indique que la valeur de l’avantage à cet actionnaire pourrait correspondre au montant que représente la différence entre les primes qu’il paie et celles qu’il aurait pu avoir à débourser, dans des circonstances similaires, afin d’obtenir d’une personne n’ayant pas de lien de dépendance avec lui le même avantage qui découle de la transaction concernée.

Les commentaires formulés par l’ARC relativement à l’assurance maladie grave pourraient-ils être applicables aux actions d’assurance vie? S’il fallait faire un parallèle entre les deux, il faudrait le faire en tenant compte des différences marquées entre les deux genres d’assurance. Tout particulièrement, bien que ni le produit d’une police d’assurance vie ni celui d’une police d’assurance maladie grave ne soient imposables au sein de la société qui les perçoit, il ne faut pas oublier que, contrairement au produit d’une police d’assurance vie, celui d’une assurance maladie grave ne donne pas lieu à l’ajout d’un montant au CDC de la société qui l’a reçu (permettant à la société de sortir ce produit libre d’impôt à son ou ses actionnaires). De plus, l’aspect le plus sensible ayant trait aux polices d’assurance maladie grave, soit l’avenant remboursement de primes, n’existe pas en matière de polices d’assurance vie. 

3.2.3. Décès du détenteur de l’action d’assurance vie

Qu’arrive-t-il si le détenteur de l’action d’assurance vie décède avant l’actionnaire dont la vie est assurée par la société? Tout dépendra de la JVM pouvant être donnée à cette action d’assurance vie immédiatement avant le décès de son détenteur. Si cette JVM devait entraîner un gain en capital, il en découlerait un impôt à payer par la succession du défunt, à moins qu’on puisse considérer cette action comme une «action admissible de petite entreprise» donnant droit à feu son détenteur à l’utilisation de sa déduction pour gains en capital, ou encore, que cette action puisse être léguée au conjoint du détenteur. 

Vaudrait-il la peine de faire souscrire cette action d’assurance vie par une fiducie familiale discrétionnaire, de sorte que le décès du détenteur de cette action ne soit pas une préoccupation? Tout dépendra de la raison d’être de la police d’assurance prise par la société. L’actionnaire unique d’une société veut-il que le produit de la police d’assurance soit partagé entre divers membres de sa famille, lesquels pourraient alors être des bénéficiaires «postulants» d’une telle fiducie familiale? Si l’actionnaire unique d’une société est aussi le fiduciaire de la fiducie et que l’acte de fiducie lui octroie une faculté d’élire, il jouira d’une grande latitude pour ce qui est du partage entre les bénéficiaires du produit de la police d’assurance prise sur sa vie par sa société, et ce, sans avoir à faire passer ce produit par sa succession.

Pour éviter, dans la mesure du possible, cette question de la JVM de l’action d’assurance vie, il peut être prévu dans les droits et restrictions de la catégorie d’actions d’assurance vie que les actions de cette catégorie soient automatiquement rachetables par la société au décès de leur détenteur pour un prix de rachat égal au montant versé au compte de capital-actions émis et payé pour ces actions lors de leur souscription. À la condition évidemment qu’un tel rachat au décès du détenteur n’aille pas à l’encontre d’un autre objectif souhaité par la souscription à une ou des actions d’une telle catégorie d’actions d’assurance vie.

Par contre, dans le cas où l’actionnaire dont la vie est assurée serait décédé avant le détenteur de la ou des actions d’assurance vie et que le produit d’assurance n’a pas encore été entièrement remis à ce détenteur lors de son décès, la JVM de cette ou de ces actions d’assurance vie devra comprendre toute partie du produit d’assurance qui est réservée à cette catégorie d’actions et qu’il n’aura pas encore reçue. Il devrait en être de même quant au prix de rachat à être payé à ce détenteur advenant que sa ou ses actions d’assurance vie lui soient rachetées par la société, que ce soit de son vivant ou par suite de son propre décès (dans le cas d’un rachat automatique au décès du détenteur par exemple).

3.3. Action d’assurance vie versus article 120.4 L.I.R.

Un dividende reçu sur une action d’assurance vie ou un gain en capital réalisé sur une telle action est-il assujetti à l’«impôt sur le revenu fractionné», tel que cet impôt a été étendu par le ministre Morneau à compter de 2018? 

Pour ce qui est du dividende reçu sur une action d’assurance vie, effectivement l’impôt sur le revenu fractionné (« IRF ») s’y appliquera si aucune des dispositions d’exonération n’entre en jeu. Cependant, l’IRF ne s’appliquant pas à un dividende non imposable, le détenteur de l’action d’assurance vie ne devrait pas être visé par cet impôt sur tout montant qui lui est versé par la société à même son CDC. 

Quant au gain en capital imposable réalisé par le détenteur sur la disposition de son action d’assurance vie (sauf en cas de décès), il sera aussi visé par l’IRF, à moins que l’action d’assurance vie soit une «action admissible de petite entreprise» pour son détenteur, et même là, seulement si le gain en capital imposable n’est pas réputé être un dividende pour le détenteur (ce qui serait le cas, par exemple, du gain en capital imposable réalisé lors d’une disposition d’une action par un enfant mineur en faveur d’une personne ayant un lien de dépendance avec le mineur).

4. DÉTENTION DES POLICES D’ASSURANCE

La plupart du temps, dans un contexte de convention entre actionnaires, lorsqu’il est question d’assurance vie «corporative», il est fréquent que la société assure elle-même la vie de tous ses actionnaires. La société est alors propriétaire et bénéficiaire des polices et en acquitte les primes.

Cependant, depuis les modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux polices d’assurance vie, et tout particulièrement à leur disposition, une autre façon de prendre les polices d’assurance commence à être considérée par les actionnaires.

Pourquoi ne pas faire en sorte que chaque actionnaire assure sa propre vie et soit le titulaire de la police prise sur sa vie? Par contre, étant donné que l’objectif de la prise d’assurance est de faire en sorte que ce soit la société qui puisse percevoir le produit des polices d’assurance prises sur la vie des actionnaires, il est prévu que c’est la société qui sera le bénéficiaire, préférablement irrévocable, des polices prises par les actionnaires.

Si la société est bénéficiaire irrévocable, les actionnaires ne pourront plus changer de bénéficiaire sans le consentement de la société. Advenant le décès d’un actionnaire, la société perçoit le produit d’assurance et procède à ce qui est prévu dans la convention entre les actionnaires quant à l’utilisation de ce produit d’assurance.

Avec cette façon de faire, advenant qu’un actionnaire veuille retrouver le bénéfice du produit de la police d’assurance prise sur sa vie, il suffirait d’un simple changement de bénéficiaire, plutôt qu’une cession de police (de la société à son actionnaire) avec les conséquences qui s’en suivent.

Voici quelques situations où ce changement de bénéficiaire serait souhaitable :

•la société est dissoute avant toute transaction entre les actionnaires;

•un actionnaire a vendu ses actions de la société à ou aux autres actionnaires de son vivant et a été entièrement payé; il n’y a plus de raisons alors que la société continue d’être bénéficiaire de la police prise sur la vie de l’actionnaire vendeur;

•l’entreprise exploitée par la société est vendue et les biens de la société sont répartis entre ses actionnaires; il n’y a plus de raisons pour la société de continuer d’être bénéficiaire des polices prises sur la vie de ses actionnaires;

•la société a deux actionnaires; l’un d’eux décède et sa part est achetée par la société ou l’actionnaire survivant; l’actionnaire survivant est maintenant l’actionnaire unique de la société et souhaite que le bénéfice de la police prise sur sa vie revienne au titulaire de la police, en l’occurrence lui-même ou encore sa société de gestion.

CONCLUSION

Bien que les quelques personnes qui ont écrit sur le sujet des actions d’assurance vie soient enthousiastes quant à l’usage qui puisse être fait de ce genre d’actions, pour notre part, nous n’avons pratiquement jamais eu à les utiliser. Peut-être est-ce en raison du genre de dossiers que notre pratique professionnelle nous amène à traiter. La plupart du temps, lorsque nous avons à traiter de polices d’assurance vie détenues par une société ou dont une société est bénéficiaire, c’est dans un contexte de convention entre actionnaires et c’est alors à même cette convention que se règlent l’utilisation et la répartition du produit de ces polices et du CDC en découlant, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir des actions d’assurance vie.

Nous en faisons si peu usage, qu’il est rare maintenant que nous prévoyons d’office ce genre d’actions dans le capital-actions des sociétés que nous constituons. Et lorsque nous les envisageons, c’est généralement par une catégorie «à vies multiples» afin de ne pas alourdir inutilement le capital-actions autorisé de la société. Mais cela ne veut pas dire qu’il en est de même pour d’autres praticiens.

Malgré le nombre d’années écoulées depuis que les actions d’assurance vie sont d’actualité, nous ne sommes pas beaucoup plus éclairés sur le traitement fiscal à leur donner, particulièrement en ce qui a trait à la valeur à leur reconnaître lors de leur émission ou lors de leur disposition, ou relativement à l’existence, ou non, d’un avantage imposable pour le détenteur d’actions d’une telle catégorie, à qui un produit d’assurance est réservé sans qu’il ait eu à supporter les primes payées par la société sur la police d’assurance donnant droit à ce produit. Le manque de prise de position de la part du fisc sur ces questions n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Cela permet de naviguer en zone grise, où tout demeure possible, plutôt que d’être confronté à des écueils certains.

En terminant, soulignons que tout ce qui précède vise les polices d’assurance vie, mais que rien n’empêcherait qu’il s’applique également à des polices d’assurance maladie grave. Peut-être une société qui paie des primes d’assurance maladie grave souhaiterait-elle que la prestation payable en vertu de cette police bénéficie à une personne en particulier plutôt qu’à la société elle-même? Ou encore, si cette police d’assurance maladie grave est prise dans le but de faciliter le paiement, par le ou les autres actionnaires, des actions de l’actionnaire qui serait visé par l’une des maladies couvertes par la police, la stratégie des actions spéciales d’assurance pourrait être avantageuse. Évidemment, il faudrait que les droits et restrictions afférents à de telles actions d’assurance soient rédigés en fonction d’une assurance maladie grave, et non pas d’une assurance vie. 

Sans compter que lorsque l’on parle d’assurance maladie grave, il y a non seulement la prestation payable en cas de maladie grave, mais également l’avenant permettant le remboursement des primes versées sur la police dans le cas où l’actionnaire assuré n’a pas été atteint par les maladies couvertes par la police. Faudrait-il envisager une catégorie d’assurance maladie grave – remboursement de prime?

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