La transparence corporative est un sujet chaud et en constante évolution. En suivant l’actualité législative pancanadienne sur le sujet, on constate que l’adoption des lois en matière de transparence corporative suit trois grandes étapes :
- Premièrement, la création un registre de bénéficiaires ultimes en vertu des diverses lois permettant de créer des personnes morales.
- Deuxièmement, ce registre de bénéficiaires ultimes devient accessible au public.
- Finalement, l’obligation de tenir un registre de bénéficiaires ultimes s’étend non seulement aux lois permettant de créer des personnes morales, mais aussi à toutes autres formes d’entités juridiques tenues de s’immatriculer sur un territoire donné.
Dans les faits, le législateur québécois, en adoptant le Projet de loi n° 78, Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises (« PL78 »), a sauté la première étape pour mettre en place directement les deuxièmes et troisièmes étapes (nous vous référons aux différents articles sur le sujet déjà parus dans le Stratège).
Au fédéral, depuis le 13 juin 2019, les sociétés régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions (« LCSA ») doivent tenir un registre de leurs particuliers ayant un contrôle important (« PCI »). Ce registre est accessible aux forces policières, aux autorités fiscales et à d’autres organismes d’enquête. Sous réserve de quelques considérations supplémentaires que je n’évoquerai pas ici, en vertu de la LCSA, est une PCI d’une société le particulier, selon le cas :
- a) qui a l’un ou l’autre des droits ou intérêts ci-après, ou toute combinaison de ceux-ci, relativement à un nombre important d’actions :
(i) il en est le détenteur inscrit,
(ii) il en a la propriété effective,
(iii) le cas échéant, il exerce un contrôle direct ou indirect ou a la haute main sur celui-ci;
b) qui exerce, le cas échéant, une influence directe ou indirecte ayant pour résultat le contrôle de fait de la société;
c) à qui les circonstances réglementaires s’appliquent.
Est un nombre important d’actions :
a) tout nombre d’actions conférant vingt-cinq pour cent ou plus des droits de vote attachés à l’ensemble des actions avec droit de vote en circulation de la société;
b) tout nombre d’actions équivalant à vingt-cinq pour cent ou plus de la juste valeur marchande de l’ensemble des actions en circulation de la société.
Ainsi, le législateur fédéral s’était arrêté à la première étape, mais il est maintenant prêt à passer à la suivante! En vertu du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures (1e sess, 44e lég, 2022, sanction royale 23 juin 2022), les sociétés constituées en vertu de la LCSA devront transmettre à Corporations Canada les renseignements sur leurs PCI (Art. 21.21 LCSA). Par ailleurs, le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois (1e sess, 44e lég, 2022, sanction royale le 2 novembre 2023) prévoit que Corporations Canada rendra ces renseignements accessibles au public à une date ultérieure.
Ainsi, à compter du 22 janvier 2024, les sociétés régies par la LCSA devront déclarer à Corporations Canada les informations suivantes relativement à leurs PCI :
- nom légal complet;
- date à laquelle le particulier est devenu un PCI;
- date à laquelle le particulier a cessé d’être un PCI, le cas échéant;
- description du contrôle important du PCI (par exemple, détient 25 % des actions);
- adresse aux fins de signification, si fournie;
- adresse résidentielle, si aucune adresse aux fins de signification n’est fournie.
- date de naissance;
- le ou les pays de citoyenneté;
- le ou les pays où le PCI est considéré comme résident à des fins fiscales.
Seuls les renseignements énumérés aux numéros 1) à 6) ci-dessus seront rendus accessibles au public (Art. 21.303(1) LCSA). Si un particulier considère que rendre accessible au public les renseignements ci-dessus pose une menace sérieuse à sa sécurité, il pourra demander à Corporations Canada de ne pas les publier (Art. 21.203(3) LCSA. Un processus équivalent existe au Québec en vertu de l’art. 100 LPLE).
Les sociétés devront envoyer à Corporation Canada ces renseignements aux moments suivants :
- avec leur rapport annuel (Art. 21.21(1)a) LCSA);
- dans les 15 jours suivant toute modification apportée à leur registre des PCI (Art. 21.21(1)b) LCSA);
- lors de la constitution en société ou après une fusion ou une prorogation (importation) sous le régime d’une autorité fédérale (Art. 21.21(2) LCSA).