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Saviez-vous que … — Il ne suffit pas de demander si les retenues à la source sont remises, il faut s'en assurer!

Publié dans :

Stratège, 28 :1

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Publié par Daniel V. Cuzmanov

Une société par actions qui est un employeur est tenue de verser périodiquement aux autorités fiscales les retenues à la source effectuées sur le salaire de ses employés ainsi que les charges sociales qui lui incombent à titre d’employeur. Lorsqu’elle manque à cette obligation, ses administrateurs seront tenus solidairement responsables, avec elle, du paiement de ces sommes en vertu de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Or, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit une défense de diligence raisonnable qui prévoit qu’un administrateur peut s’exonérer en établissant avoir agit avec « le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables ». Nous savons depuis l’arrêt Canada c. Buckingham, 2011 CAF 142, qu’il s’agit d’un test objectif et que le comportement de l’administrateur doit être inspecté à la lumière de celui qu’aurait adopté un administrateur hypothétique possédant des habiletés et des connaissances similaires, agissant dans un contexte similaire. Le concept est toutefois demeuré relativement flou, notamment lorsqu’il faut établir la distinction entre un administrateur interne et un administrateur externe.

Tout récemment, la Cour canadienne de l’impôt (« Cour ») s’est penchée sur la défense de diligence raisonnable d’un administrateur externe dans l’affaire Burnett c. La Reine, 2022 CCI 99.

Dans cette décision, la Cour a rendu son verdict sur l’obligation de M. Burnett, administrateur de la société Canadian Noble Cut Diamonds Ltd. (« CNCD »), de payer environ 80 000 $ à l’Agence du revenu du Canada pour des retenues à la source non payées par CNDC. M. Burnett siégeait au conseil d’administration à titre d’administrateur externe avec deux autres administrateurs, M. Ben-Oliel qui gérait l’entreprise de CNCD et M. Fraser qui était conseiller.

M. Burnett s’enquerrait des obligations fiscales de CNCD auprès de M. Ben-Oliel lors des réunions mensuelles du conseil d’administration. La société ne tenait pas de procès-verbaux, de sorte que la preuve se fonde sur le témoignage de M. Burnett. Selon ce dernier, il avait adopté, après ses « 30 années » d’expérience, une approche « cochez-la-case » (check the box). Ainsi, il témoigne avoir demandé simplement à M. Ben-Oliel si les retenues à la source avaient été versées et déclare avoir reçu à chaque occurrence une réponse affirmative.

La Cour constate que M. Burnett était au courant des difficultés financières de CNCD ainsi que des pratiques comptables et corporatives douteuses des agents de cette dernière. En effet, le cabinet comptable engagé par CNCD était incapable de constituer des états financiers audités, rendant impossible l’obtention de financement externe.

La Cour est d’avis que l’approche « cochez-la-case », dans les circonstances où se trouvait CNCD, n’est pas suffisante pour exonérer M. Burnett. Ce dernier devait démontrer avoir été concerné par le paiement des retenues à la source, mais aussi avoir agi avec soin, diligence et habileté pour « prévenir le manquement » (notre traduction) par CNCD de s’acquitter de son obligation fiscale. Selon la Cour, une personne raisonnablement prudente, devant une succession d’événements préoccupants, aurait exigé une preuve documentaire du responsable des retenues à la source. Ainsi, M. Burnett ne pouvait invoquer en défense sa propre inaction. Un administrateur, malgré qu’il puisse agir à titre externe, doit toujours prendre des mesures raisonnables positives pour s’assurer que la société pour laquelle il agit s’acquitte de ses obligations fiscales.

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