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Fiducie discrétionnaire ou actions à dividendes discrétionnaires

Publié dans :

Luc Martel, « Fiducie discrétionnaire ou actions à dividendes discrétionnaires », dans Congrès 2009, Montréal, Association de planification fiscale et financière, Montréal, 2010.

Index

Publié par Luc Martel

Introduction

La fiducie discrétionnaire et les actions à dividendes discrétionnaires sont de plus en plus utilisées dans le cadre des planifications fiscales.

Que l’on utilise la fiducie discrétionnaire ou les actions à dividendes discrétionnaires, dans les deux (2) cas c’est l’aspect « discrétionnaire » qui attire le planificateur.

Avant de s’attarder aux particularités et considérations d’ordre légal ou fiscal relatives à l’utilisation d’une fiducie discrétionnaire ou à celles d’actions à dividendes discrétionnaires, voyons rapidement quelques exemples de l’usage qui peut être fait d’une répartition discrétionnaire entre plusieurs bénéficiaires (dans le cas d’une fiducie discrétionnaire) ou d’actionnaires (dans le cas d’actions à dividendes discrétionnaires).

1 USAGES DE LA DISCRÉTION

Parmi les multiples usages de la possibilité d’exercer une discrétion quant à la répartition d’un dividende entre plusieurs personnes y ayant droit, mentionnons les suivants :

1.1 COMPTE DE DIVIDENDES EN CAPITAL

Il peut arriver que l’avantage de recevoir un dividende libre d’impôt à même le « compte de dividendes en capital » d’une compagnie soit perdu pour certains actionnaires. Pensons au cas d’un actionnaire qui n’est pas imposable (tel un organisme de bienfaisance) ou encore à un actionnaire qui ne réside pas au Canada1. Il n’est donc pas très utile de verser un dividende en capital à un actionnaire qui n’en retire aucun bénéfice. Ce serait même gaspiller une partie du compte de dividendes en capital que de l’attribuer, par exemple, à un actionnaire non-résident. Avec des actions à dividendes discrétionnaires ou une fiducie discrétionnaire, il devient possible d’attribuer uniquement aux actionnaires qui résident au Canada le dividende issu du compte de dividendes en capital, quitte à remettre, séparément, à l’actionnaire non-résident un dividende imposable, soit sur sa catégorie d’actions à dividendes discrétionnaires, soit à titre de participation au revenu de la fiducie discrétionnaire dont il serait bénéficiaire.

1.2 DIVIDENDE DÉTERMINÉ

Une compagnie peut maintenant verser des dividendes imposables « ordinaires » ou « déterminés ». Les premiers sont sujets à un taux d’imposition plus élevé (jusqu’à environ 36,35 %) que les seconds (jusqu’à environ 29,69 %). Il est des situations où les actionnaires peuvent convenir entre eux, par convention entre actionnaires ou autrement2, qu’ils entendent réserver à certains d’entre eux la possibilité de recevoir des dividendes déterminés tirés du « compte de revenus à taux général » (CRTG), c’est-à-dire à même le revenu ayant été imposé au taux d’imposition élevé des compagnies (soit le revenu qui n’est pas admissible à la déduction pour petites entreprises)3.  Encore une fois, la possibilité d’exercer une discrétion quant à la remise des dividendes entre les actionnaires permettra ce genre de planification.


1  Les dividendes en capital versé à des non-résidents sont assujettis à l’impôt des non-résidents conformément au paragraphe 212(2)LIR.

2  Voir Table ronde sur la fiscalité fédérale, paragraphe 4 Mécanismes visant à diriger un dividende déterminé vers un actionnaire ou un groupe d’actionnaires, dans Congrès 2007, Montréal, Association de planification fiscale et financière, 2008, page 52:12.

1.3 SALAIRE-DIVIDENDE

La répartition salaire-dividende a été l’usage premier de la discrétion, usage reconnu par la Cour suprême dans l’affaire McClurg4. Dans cette affaire, la Cour a accepté le principe qu’un actionnaire puisse recevoir un dividende, sur sa catégorie d’actions, qui soit plus important que la proportion du dividende déclaré à laquelle il aurait pu s’attendre compte tenu de toutes les actions émises et en circulation. L’arrêt McClurg avait cependant laissé planer un doute sur la validité d’un tel dividende discrétionnaire, car la Cour en obiter dicta, avait mentionné que ce dividende excédentaire compensait le fait que l’actionnaire à qui le dividende avait été versé n’avait pas reçu une considération suffisante pour son apport, en travail et en responsabilité, dans l’entreprise exploitée par la compagnie payeuse, et que leur décision aurait pu être différente si la personne ayant reçu un tel dividende excédentaire, n’avait pas apporté à l’entreprise un apport aussi important. Ce doute a été réglé lors d’une décision subséquente de la Cour suprême dans l’affaire Neuman c. M.R.N.5 où des dividendes discrétionnaires n’ont pas été déclarés invalides bien que la personne qui les ait reçus n’ait rendu aucun service à la compagnie payeuse. Dans Neuman. il fut reconnu que la participation d’un actionnaire dans les dividendes n’a aucun rapport avec sa contribution aux affaires de la compagnie par son travail. Un dividende récompense un investissement financier, tandis qu’un investissement en temps et en responsabilité est rémunéré par un salaire ou un boni.

 

La décision salaire-dividende est plutôt traitée dans le contexte d’un actionnaire unique qui a à décider, annuellement, de quelle manière il entend retirer des argents de sa compagnie pour financer son coût de vie, soit sous forme de salaire, soit sous forme de dividende ou par un savant mélange des deux.

 

Cependant, dans le cas où il y a plus d’un actionnaire dans la compagnie, les actions à dividendes discrétionnaires permettent à chacun des actionnaires de planifier individuellement sa décision salaire-dividende, indépendamment de sa proportion des actions détenues dans la compagnie. Tout au plus, les actionnaires voudront-ils s’assurer que soit respectée l’enveloppe monétaire globale qu’ils s’attribuent individuellement dans le cadre de cette décision salaire-dividende.

 

Comme le mentionnent certains auteurs6, pour aborder correctement ce type de décision salaire-dividende, il faut traiter trois (3) thèmes principaux :

  • l’aspect purement technique : il s’agit de calculer les impôts et les diverses cotisations qu’impliquent chacune des options (impôts sur le revenu, RRQ, RQAP, REÉR, AE, FSS, crédit pour dividendes, etc.);
  • la valeur de la cotisation à la RRQ : l’approche dividende implique de renoncer à une partie des avantages de la cotisation à la RRQ;
  • l’incidence de la cotisation au REÉR : l’approche dividende implique de renoncer à la cotisation au REÉR.

 


3  Définition de « CRTG » et de « dividende déterminé » au paragraphe 89(1)LIR; désignation de dividende à titre de dividende déterminé : paragraphe 89(14)LIR.
4
 Nous reviendrons sur cette affaire à la section 2 ci-après.
5 (1998) 1R.C.S.770.
6 Éric BRASSARD, Martin BUSSIÈRES et Martin GOULET, Étude de cas 2 – L’incorporation des professionnels, Congrès 2008, Montréal, Association de planification fiscale et financière, 2009, pages 50:1 à 50:83, aux pages 50:39 à 50:49.

1.4 DIVIDENDE

Les objectifs avoués de l’exercice de la discrétion est de permettre le fractionnement de dividendes entre diverses personnes en permettant aux fiduciaires (dans le cas d’une fiducie discrétionnaire) ou aux administrateurs (dans le cas d’actions à dividendes discrétionnaires) de les répartir entre les bénéficiaires (si fiducie) ou les actionnaires (si actions à dividendes discrétionnaires), selon leurs besoins. Évidemment, il y aura lieu de tenir compte des règles d’attribution dans le cas d’un dividende à un conjoint ou à un enfant mineur, ou encore de celles des revenus fractionnés (« Kiddie Tax ») dans le cas d’un dividende à un enfant mineur. 

1.5 GAIN EN CAPITAL

Un autre usage recherché de l’exercice de la discrétion est de pouvoir répartir un gain en capital important sur plusieurs têtes, de manière à pouvoir bénéficier de plus d’une déduction pour gains en capital de sept cent cinquante mille dollars (750 000 $) pour réduire l’impôt sur ce gain en capital.

 

Tous ces usages peuvent-ils être plus facilement réalisés par des actions à dividendes discrétionnaires ou par une fiducie discrétionnaire? Avant de répondre à cette question, arrêtons-nous brièvement sur différentes considérations d’ordre légal ou fiscal relativement à l’utilisation de l’une ou l’autre de ces techniques.

2 ACTIONS À DIVIDENDES DISCRÉTIONNAIRES

Nous sommes tous aujourd’hui familiers avec la pratique consistant à ne pas fixer de taux aux dividendes attribuables à une ou plusieurs catégories d’actions, et à donner expressément au conseil d’administration la discrétion de fixer ce taux à chaque fois qu’il déclare des dividendes.

2.1 ORIGINE

Les actions à dividendes discrétionnaires ont reçu le feu vert en 1990 dans la décision de la Cour suprême La Reine c. McClurg7. L’arrêt McClurg, a été suivi dans l’affaire Neuman c. M.R.N.8.

 

Le juge en chef Dickson, au nom de la majorité, a reconnu dans McClurg la validité des clauses de dividendes discrétionnaires en précisant que la division des actions en différentes « catégories » constitue une condition nécessaire pour pouvoir déroger à la présomption d’égalité, à la fois en ce qui concerne le droit aux dividendes et les autres droits des actionnaires.

 

Il est donc crucial de retrouver dans les statuts des actions de différentes catégories permettant d’établir une distinction entre elles.

 

En pratique, pour être certain que toutes les catégories d’actions donnant droit à un dividende discrétionnaire ne soient pas considérées comme n’en constituant qu’une seule parce que comportant les mêmes droits, les juristes tentent de créer des distinctions entre les différentes catégories.

Il semblerait que la nouvelle Loi sur les compagnies du Québec qui sera prochainement déposée vienne faciliter la vie aux rédacteurs de statuts en reconnaissant l’existence de catégories d’actions distinctes du simple fait qu’elles portent une identification différente.


7 [1990] 3.R.C.S. 1020; voir au sujet des actions à dividendes discrétionnaires l’article de P. QUESSY, « Les aspects corporatifs et fiscaux des actions à dividendes discrétionnaires », (1985) 7 R.P.F.S.31; M. BOIVIN, Le droit aux dividendes et le dividende « discrétionnaire », (1987) 47 R. du B. 73  et « Encore le dividende discrétionnaire… », (1989) 49 R. du 657.; également Luc et Paul MARTEL, « L’arrêt La Reine c. McClurg – aspects corporatifs et fiscaux », Montréal, Association de planification fiscale et financière, 1992, Congrès 1991, page 877ss.

8 (1998) 1 R.C.S. 770.

2.2 LIMITES À L’USAGE DE LA DISCRÉTION

Il demeure que malgré que la clause de dividendes discrétionnaires suffise à réfuter la présomption d’égalité des actions, il sera toujours possible aux actionnaires lésés de demander réparation grâce aux recours prévus par les lois corporatives ou par le Code civil du Québec. Pensons au « recours pour oppression » de l’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, recours qui serait repris dans la prochaine version de la Loi sur les compagnies du Québec9, ou au « recours en liquidation judiciaire »10.

Pour éviter qu’un dividende soit déclaré et versé, de manière discrétionnaire, au détriment de certains actionnaires, et que la seule défense de ces derniers soit de s’adresser aux tribunaux, avec les frais importants et les délais qu’un tel recours entraîne, les détenteurs des actions à dividendes discrétionnaires auraient avantage à signer une convention unanime d’actionnaires prévoyant que tout dividende discrétionnaire versé autrement qu’au prorata entre les différentes catégories d’actions, fasse l’objet d’un vote unanime des détenteurs de ces catégories11.


9 En attendant, au Québec, un actionnaire « oppressé » peut intenter une « action dérivée » en vertu de l’article 33 du Code de procédure civile.

10 Article 24 de la Loi sur la liquidation des compagnies, L.R.Q., L-4; article 214 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions : malheureusement, ce recours constitue un remède draconien qui va souvent plus loin que ce que voudrait l’actionnaire « oppressé ».

11 Voir Christian MEIGHEN, Impacts fiscaux des caractéristiques légales des actions émises dans le cadre de réorganisations corporatives, Congrès 2002, Montréal, Association de planification financière et fiscale, 2003, pages 1:1 à 1:59, à la section 1.5 Problématiques reliées aux actions à dividende discrétionnaire, page 1:13.

2.2.1 Recours pour oppression

La déclaration d’un dividende discrétionnaire à un actionnaire pourrait-il entraîner un préjudice injuste donnant ouverture à un recours pour oppression, à ou aux actionnaires à qui aucun dividende n’est versé ou à qui le dividende versé est inférieure à leur proportion d’actions?

Un tel recours « ne convient que dans les cas où les activités de la compagnie entraînent une certaine discrimination ou un traitement inéquitable parmi les personnes ayant un intérêt dans la compagnie, une atteinte à un droit découlant de la common law ou de l’equity, où l’appropriation des biens de la compagnie. 12»

Pour déterminer s’il y a ou non un « préjudice injuste » à réparer, le tribunal doit s’efforcer de respecter un équilibre entre, d’une part, la protection des intérêts du plaignant et, de l’autre, la liberté d’action des dirigeants de l’entreprise, et la latitude qu’ils ont de poser dans son intérêt des gestes qui affectent le plaignant ou ne tiennent pas compte de ses intérêts13.

 

Doivent être pris en considération dans la détermination de l’oppression : le point de vue de la majorité, l’historique, la nature, la grosseur et la structure de la compagnie, le type des droits affectés, la pratique corporative générale, la nature de la relation entre le plaignant et l’auteur de l’oppression, et la prévisibilité de la conduite reprochée14.  Mais il faut également tenir compte d’un facteur dégagé par la jurisprudence, soit les « droits, attentes et obligations » entre individus. L’équité demande en effet que pèsent dans la balance les « attentes sous-jacentes » des parties dans les petites entreprises15.

 

Me Martel16 écrit que :

« les situations pouvant susciter une “attente raisonnable” sont de nature circonstancielle (“fact-specific”) de sorte qu’il est impossible d’en dresser une liste exhaustive. La Cour suprême du Canada énumère néanmoins les principaux “facteurs utiles” pour l’appréciation d’une attente raisonnable qui ressortent de la jurisprudence17. Il s’agit des suivants :

 

  • les pratiques commerciales
  • la nature de la société (taille, nature et structure)
  • les rapports existants entre le plaignant et d’autres parties impliquées dans les affaires de la société18
  • les pratiques antérieures, “particulièrement chez les actionnaires d’une société fermée quant à leur participation aux profits et à la gouvernance de la société”. […]
  • les mesures préventives que le plaignant aurait pu prendre pour se protéger contre le préjudice allégué
  • les déclarations et conventions, c’est-à-dire les conventions entre actionnaires (qui peuvent être considérées comme “l’expression des attentes raisonnables des parties”) […]
  • la conciliation équitable d’intérêts opposés […] »

 

Une jurisprudence en expansion constante permet de se faire une idée de plus en plus précise sur ce qui constitue, aux yeux des tribunaux, de l’« oppression », de l’atteinte aux intérêts ou du non-respect de ceux-ci, au sens de l’article 241. Toute cette jurisprudence servira de guide aux tribunaux québécois lorsqu’un recours similaire existera sous la Loi sur les compagnies. Me Paul Martel, dans son ouvrage19, énumère une longue liste de décisions rendues par les tribunaux sur la question de l’« oppression ». J’ai retenu certaines d’entre elles qui traitent de distribution discrétionnaire et dont un actionnaire qui prétend subir un préjudice injuste par suite d’un dividende discrétionnaire pourrait s’inspirer :

 

  • le paiement au majoritaire d’honoraires de gestion20 ou de rémunération excessive et injustifiée21;
  • le refus de payer des dividendes22;
  • le fait de détourner des biens, des fonds, des profits ou des occasions d’affaires au bénéfice des majoritaires, d’une autre compagnie contrôlée par les majoritaires ou des personnes liées à eux23;
  • le fait de « saigner » la compagnie au bénéfice des majoritaires, de manière à empêcher le plaignant de participer dans les bénéfices24;
  • le fait pour les majoritaires de se payer des bonis tout en refusant d’en payer aux minoritaires25;
  • le fait par une compagnie de priver un actionnaire de sa participation proportionnelle aux bénéfices, lorsque celle-ci est versée autrement que par voie de dividendes26;
  • le fait pour les administrateurs d’agir en contravention avec une convention unanime des actionnaires, si cette contravention porte atteinte aux intérêts de l’un des administrateurs ou des actionnaires27;

 

Les tribunaux tiennent maintenant compte du caractère « familial » d’une compagnie pour les fins de son appréciation des recours d’un actionnaire. Ce facteur peut contribuer à créer des « attentes raisonnables » entre membres d’une même famille et favoriser les recours pour oppression.

 

Voici quelques exemples de jurisprudence où ont été prises en considération les attentes raisonnables d’un plaignant au sein d’une entreprise familiale :

 

  • les attentes raisonnables d’un fils quant à sa permanence dans une entreprise familiale ont été à la source du succès de recours pour oppression28;
  • le lien familial entre les parties peut jouer un rôle important dans la détermination du caractère raisonnable des attentes29;
  • des épouses détenant des actions pour fins purement fiscales (« income-splitting »), sans rôle actif dans la société, ne peuvent invoquer des « attentes raisonnables » distinctes de celles de leurs conjoints30;
  • les « attentes raisonnables » d’un actionnaire ayant acquis ce statut à l’occasion d’un gel successoral peuvent viser la croissance de la société, mais non la participation à sa gestion31;
  • les actionnaires minoritaires, même dans une société de type familial, ne peuvent faire valoir une attente raisonnable de se faire acheter leurs actions sur demande en l’absence d’engagements contractuels à cet effet32;
  • les « attentes légitimes » du plaignant peuvent limiter la portée du remède obtenu : ce remède ne doit en effet pas lui accorder quelque chose à quoi il n’aurait jamais pu s’attendre, n’eut été de l’oppression33.

12 Kelvin Energy Ltd. C. Lee, [1992] 3 R.C.S. 235, page 256, citant PETERSON, Shareholder Remedies In Canada, Butterworths, 1989, p. 18.1.

13 Maurice et Paul MARTEL, La compagnie au Québec – les aspects juridiques, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur Martel Ltée, feuilles mobiles, Volume 1, paragraphes 31-174.

14 Op. cit. note 13, paragraphes 31-175.

15 Op. cit. note 13, paragraphes 31-176.

16 Op. cit. note 13, paragraphes 31-184.4 à 31-184.11.

17 BCE Inc. c. Détenteurs de débentures 1976, 2008 C.S.C. 69, jugement, par. 72 et ss.

18 « (…) il se peut que les rapports entre actionnaires fondés sur des liens familiaux ou des liens d’amitié n’obéissent pas aux mêmes normes que les rapports entre actionnaires sans lien de dépendance d’une société ouverte. » Id. par. 75.

19 Op. cit., note 13, paragraphes 31-185 à 31-217.

20 Op. cit., note 13, note infrapaginale 317.

21 Op. cit., note 13, note infrapaginale 318.

22 Op. cit., note 13, note infrapaginale 320.

23 Op. cit., note 13, note infrapaginale 324, 325 et 326.

24 Op. cit., note 13, note infrapaginale 330.

25 Op. cit., note 13, note infrapaginale 332.

26 Op. cit., note 13, note infrapaginale 340.

27 Op. cit., note 13, note infrapaginale 344.

28 Naneff c. Con-Crete Holdings Ltd., (1994) 11 B.L.R. (2d) 218 (Ont. C.J.), (1994) 19 O.R. (3d) 691 (Ont. Div. Ct.) et Safarik c. Ocean Fisheries Ltd., (1993) 10 B.L.R. (2d) 246 (B.C. S.C.) et Such c. RW-LB Holdings Ltd., (1994) 11 B.L.R. (2d) 122, (1994) 3 W.W.R. 725 (Alta. Q.B.).

29 Op. cit. note 13, paragraphe 31-177.2 : Sahota c. Basra [1999] O.J. No4186 (Gen. Div.) (gendre – beaupère_; Gleddie c. Gleddie, (2000) 260 A.R. 303 (Q.B.) (plaignant exclu du ranch familial par ses frères); Pelley c. Pelley, (2001) 200 Nfld. & P.E.I.R. 303 (Nfld. S.C.) (frères).

30 Quaglieri c. 374400 Ontario Ltd, (1994) 18 O.R. (3d) 616.

31 Benedetti c. North Park Electronics (1980) Ltd. [1997] O.J. No 597 (Gen. Div.), paragraphe 53 confirmé [1997] O.J. No 5244 (Gen. Div.)

32 Miklos c. Thomasfield Holdings Limited, 2001 Carswell Ont. 1303 (S.C.)

33 Naneff c. Concrete Holdings Ltd 1994 11BLR.

 

2.2.2 Recours en liquidation judiciaire

 « À la requête d’un actionnaire, la Cour peut ordonner la liquidation d’une compagnie lorsqu’elle est d’avis que…il est juste et équitable que cette compagnie soit liquidée »34

 

Dans son ouvrage35, Me Paul Martel mentionne que l’interprétation des mots « juste et équitable » a fait l’objet d’un nombre considérable de décisions judiciaires, non seulement au Québec, mais dans les juridictions de common law, où on retrouve aussi cette réalité.

 

Le facteur « compagnie familiale » peut également jouer un rôle  dans le cadre d’une demande en liquidation judiciaire de la compagnie.

 

Parmi les motifs « justes et équitables » de liquider une compagnie de type familial, se trouve le fait de cesser, après plusieurs années de services, de permettre à un membre de la famille de participer à l’entreprise36. Dans l’affaire Safarik, l’un des quatre (4) fils actionnaires de la compagnie fut expulsé comme dirigeant, employé et administrateur par décision du père, président. Bien que non abusive ou injuste, puisque justifié par l’intérêt de la compagnie, cette exclusion convainquit la Cour qu’il était équitable de liquider la compagnie. Heureusement, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique s’est ravisée dans l’affaire Safarik, et a finalement choisi de ne pas liquider la compagnie, mais plutôt d’ordonner un achat forcé des actions, par un mécanisme de type shotgun37.

 

Me Paul Martel estime quant à lui que la compagnie familiale, où les enfants se sont généralement fait donner leurs actions par le père ou la mère, et où ce dernier ou cette dernière s’est réservé le contrôle absolu, est différente d’un « quasi-partnership » (« doctrine de la société ») composé d’associés aux pouvoirs et aux attributs sensiblement égaux38.  Autant le chef de famille peut-il déshériter un ou plusieurs de ses enfants à son bon plaisir, sans que ceux-ci ne puissent s’en plaindre en Cour, autant devrait-il pouvoir exercer l’autorité qu’il s’est expressément réservée et exclure de l’entreprise familiale les enfants qu’il juge nuisibles ou tout simplement non méritants, sans que ce geste ne mène à la liquidation de l’entreprise39.

 

Je mentionne tout cela car l’esprit derrière ces décisions tenant compte du facteur « compagnie familiale » pourrait facilement être repris contre un actionnaire, détenteur d’actions à dividendes discrétionnaires40, qui tenterait d’entreprendre un recours pour oppression ou une demande de liquidation judiciaire de la compagnie dans le cas où il n’est pas satisfait des dividendes qu’il en retire. 

 

Sans doute le détenteur d’actions privilégiées non-participantes à dividendes discrétionnaires serait malvenu de se plaindre de ne pas recevoir de dividendes si aucune promesse ne lui a été faite en ce sens qui pourrait lui donner une attente raisonnable à recevoir un tel dividende, mais, par contre, tout détenteur d’actions ordinaires participantes, avec ou sans dividendes discrétionnaires, serait en droit de se plaindre advenant que les dividendes versés sur des actions privilégiées à dividendes discrétionnaires nouvellement émises excèdent le montant des bénéfices annuels générés depuis cette émission et viennent empiéter les bénéfices non répartis gagnés avant cette émission.


34 Article 24 de la Loi sur la liquidation des compagnies, L.R.Q., c. L-4; alinéa 214(1)b)(ii) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions; en vertu de l’alinéa 214 (1) b) (ii) de cette même loi, le tribunal peut également rendre une ordonnance prononçant la liquidation et la dissolution de la société, s’il constate qu’une convention unanime des actionnaires permet à un actionnaire mécontent d’exiger la dissolution de la société advenant la survenance d’un événement (par exemple, la déclaration d’un dividende discrétionnaire contraire aux ententes?), et que cet événement est survenu.

35 Op. cit. note 13, paragraphe 34-102.

36 Safarik c. Ocean Fisheries Ltd., op. cit., note 28: décision de la Colombie-Britannique.

37 (1996) 25 B.L.R. (2d) 44 (B.C. C.A.). : op. cit., note 13, paragraphe 34-145.

38 Op. cit. note 13, paragraphe 34-146.

39 Op. cit. note 13, paragraphe 34-147.

40 Particulièrement si ces actions sont participantes; il serait plus difficile pour le détenteur d’actions privilégiées, non votantes et non participantes, à dividendes discrétionnaires, qui a payé un prix nominal pour ces actions, d’entreprendre avec succès un recours pour oppression ou en liquidation judiciaire sous prétexte qu’on aurait bafoué ses « attentes raisonnables » d’une participation dans la compagnie.

2.3 DROITS D’UN ACTIONNAIRE

Tout détenteur d’actions d’une compagnie, votantes ou non-votantes, participantes ou non-participantes, a certains droits qui peuvent être dérangeants dans un contexte de simple fractionnement par actions à dividendes discrétionnaires, particulièrement lorsqu’on s’est contenté d’émettre à ce détenteur des actions privilégiées non-votantes et non-participantes, à dividendes discrétionnaires. 

2.3.1 Droit de veto

Chaque fois qu’il est porté atteinte aux droits d’un détenteur d’actions, même privilégiées, ce dernier peut bénéficier, soit en vertu des lois corporatives, soit en vertu des statuts constitutifs de la compagnie, de certaines protections : recours au compromis41, consentement en assemblée extraordinaire d’une proportion (3/4 ou même 4/5) des actionnaires affectés42, clauses de protection43, et j’en passe.

 


41 Loi sur les compagnies, article 49.

42 Loi sur les compagnies, article 123.127 et 123.134; Loi canadienne sur les sociétés par actions, article 176 et article 6(3) : au vote par catégorie se greffe le droit de dissidence, en vertu de l’article 190(2) de la LCSA. Je vous invite à consulter l’ouvrage de Me Martel, op. cit. note 13, aux paragraphes 19-308 et 19-309, pour des tableaux permettant de voir rapidement le consentement de quels actionnaires est requis à différents changements sous la Loi sur les compagnies ou sous la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

43 Par exemple, clause restreignant toute sortie de fonds aux détenteurs de certaines catégories d’actions qui auraient pour effet d’empêcher la compagnie de pouvoir racheter les actions détenues par certains actionnaires : ce genre de clause est fréquent dans le cas d’actions dites de « gel », de « roulement » ou de « cristallisation », pour interdire la déclaration de dividendes qui auraient pour effet de rendre la valeur de réalisation de l’actif insuffisante pour effectuer le rachat de ces actions.

2.3.2 Droit aux états financiers

Les administrateurs doivent fournir aux actionnaires, au moins une fois par année, lors de l’assemblée annuelle, des renseignements concernant la situation financière de la compagnie44.

 

Ce droit est donnée à tout actionnaire, même celui qui ne vote pas ou ne participe pas dans la reliquat advenant dissolution.

 


44 Loi sur les compagnies, article 98(2)(d); Loi canadienne sur les sociétés par actions, article 155(1)(c).

2.3.3 Droit à un vérificateur

Le bilan devant être soumis aux actionnaires se doit d’être vérifié par un vérificateur des comptes de la compagnie45.

Il est cependant permis aux actionnaires (incluant ceux qui n’ont pas le droit de vote), par résolution unanime, de ne pas nommer de vérificateur46. Une telle résolution n’est cependant valable que jusqu’à la prochaine assemblée annuelle des actionnaires. Elle est donc à renouveler à chaque assemblée annuelle.

 


45 Loi sur les compagnies, article 98(2)(c), 113(1) et 123.97; Loi canadienne sur les sociétés par actions, article 162(1).

46 Loi sur les compagnies, article 123.98; Loi canadienne sur les sociétés par actions, article 163.

2.3.4 Droit aux livres et registres

Toute personne intéressée (comprenant les actionnaires ordinaires ou privilégiés) ont accès aux livres relatifs à la structure de la compagnie et aux registres des transferts et des hypothèques. Ces livres et registres sont ouverts à tous, car ils ont un caractère public.  

 

Il n’en sera pas de même cependant des livres de comptabilité et du registre des procès verbaux, lesquels la compagnie n’est tenue de montrer qu’aux personnes qui ont un rôle à jouer dans l’administration de la compagnie, soit les administrateurs.

2.4 ÉVALUATION

La plupart des auteurs qui ont traité des actions à dividendes discrétionnaires s’interrogent sur l’évaluation de celles-ci47. Dans son texte, Me Meighen, mentionne qu’un représentant de l’ARC a déjà émis des commentaires selon lesquels une action non-votante soumise à une clause de dividende discrétionnaire pourrait être considérée comme n’ayant aucune valeur. Cela ne veut pas dire cependant qu’un dividende discrétionnaire juxtaposé à des actions privilégiées, de gel par exemple, et comportant certaines limites inférieures et supérieures, ne serait pas acceptable aux fins de déterminer la juste valeur marchande de ces actions privilégiées de gel48

 

Une convention entre actionnaires contenant les clauses appropriées pourra contrer l’impact que pourrait avoir un dividende discrétionnaire sur l’évaluation d’actions, particulièrement si ces actions sont par ailleurs non-votantes, ou encore s’il s’agit d’une participation minoritaire. Par exemple, un détenteur d’actions minoritaires à dividendes discrétionnaires sera rassuré du maintien de la valeur de ses actions si, par convention unanime d’actionnaires, il est prévu qu’aucun dividende discrétionnaire ne pourra être déclaré sans son consentement, à moins que le dividende déclaré ne soit proportionnel aux actions émises et en circulation.

 

Mentionnons également, au secours de la détermination de la juste valeur marchande d’actions à dividendes discrétionnaires, la réponse de l’ARC à la question de savoir si serait « rattachée » (pour les fins du sous-paragraphe 186(4)(b) LIR) une compagnie opérante (OPCO) avec chacune des trois compagnies de gestion détenant respectivement cent (100) actions de catégories « A », « B » et « C », toutes participantes, votantes et à dividendes discrétionnaires? Est-ce que l’ARC considérerait que chacune de ces compagnies de gestion posséderait des actions d’OPCO dont la juste valeur marchande correspondrait au tiers de la juste valeur marchande totale des actions d’OPCO en circulation, de sorte qu’OPCO serait rattachée à chacune des compagnies de gestion?

 

L’ARC répond que : « nos services des évaluations sont d’avis que, compte tenu des faits mentionnés dans la situation soumise, chacune des trois (3) compagnies de gestion posséderait, à un moment donné d’une année d’imposition, des actions du capital-actions de OPCO dont la JVM correspondrait au tiers de la JVM de toutes les actions émises du capital-actions de OPCO.  À cet égard, bien que le versement d’un dividende discrétionnaire par OPCO influerait sur la JVM des actions émises de son capital-actions, cela ne viendrait pas modifier la proportion de la JVM des actions du capital-actions de OPCO détenues par chacune des trois (3) compagnies de gestion, à un moment donné, puisque chaque actionnaire détiendrait une catégorie d’actions parmi trois (3) catégories d’actions ayant des droits identiques du point de vue d’un acheteur potentiel ».49

 

Si l’actionnaire majoritaire permettait à toute personne liée à lui-même de souscrire à des actions à dividendes discrétionnaires, qu’elles soient ordinaires ou privilégiées, pour un montant inférieur à la juste valeur marchande de ces actions, les autorités fiscales auraient beau jeu d’imposer cet actionnaire majoritaire sur la base d’une disposition pour une contrepartie insuffisante50 en appliquant le principe du « transfert d’un intérêt économique » de l’affaire Kieboom51 ou du « transfert d’un droit à des dividendes futurs » de l’affaire Romkey52.

 

En effet, la Cour fédérale d’appel dans les affaires Kieboom et Romkey a déterminé qu’un actionnaire, en permettant à son conjoint ou à des enfants mineurs de souscrire à de nouvelles actions participantes de sa compagnie pour un montant nominal, cédait à ces derniers un bien, soit une partie de la propriété de son équité dans cette compagnie. Le fait que ce transfert d’un bien s’est effectué par le biais d’une souscription à de nouvelles actions plutôt que par une cession pure et simple d’une partie de ses propres actions, n’empêche pas la réalisation d’un tel transfert de bien. Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu traitant des règles d’attribution53 couvrent les transferts de biens qui sont faits « directement ou indirectement » et « par tout autre moyen ». Le transfert, dans les affaires Kieboom et Romkey, bien qu’indirect, en ce sens que l’actionnaire majoritaire a fait en sorte que sa compagnie émette des actions à son conjoint (et/ou à ses enfants mineurs) constituait néanmoins un transfert entre un mari et sa femme (ou entre un parent et ses enfants mineurs).

 

Ainsi, l’émission d’actions à dividendes discrétionnaires pour un prix moindre que leur juste valeur marchande entraînerait, non seulement une présomption de disposition d’un bien (qu’il s’agisse d’un « intérêt économique » ou d’un « droit à des dividendes futurs ») à sa juste valeur marchande, mais de plus l’application des règles d’attribution à l’actionnaire majoritaire ayant permis toute telle souscription aux actions à dividendes discrétionnaires, de tout dividende déclaré et versé sur ces actions à dividendes discrétionnaires.

 


47 Maurice et Paul MARTEL, La compagnie au Québec, les aspects juridiques, op. cit. note 13, paragraphe 19-178 : les actions à dividendes discrétionnaires…posent un problème potentiel sérieux quant à leur évaluation pour fins fiscales advenant leur « disposition » réelle ou présumée. Christian MEIGHEN, op. cit., note 11, page 1:12:  il n’en demeure pas moins qu’un problème de taille subsiste : l’évaluation des actions à dividendes discrétionnaires.

48 Voir l’interprétation technique 9229105, émise le 13 janvier 1993, dans laquelle l’ARC mentionne que des actions privilégiées, comportant un taux raisonnable de dividende discrétionnaire, serait généralement acceptable aux fins de déterminer la juste valeur marchande des actions privilégiées émises dans le cadre d’un gel successoral. L’ARC ne définit pas spécifiquement dans cette interprétation ce qu’elle entend par « taux raisonnable de dividende discrétionnaire ». L’ARC indique aussi toutefois que serait raisonnable un taux de dividende sur actions privilégiées variant en fonction du taux de base d’emprunt.

49 Table ronde sur la fiscalité fédérale, Congrès 2004, Montréal, Association de planification financière et fiscale, 2005, paragraphe 2.1, pages 50:27 et 50:28.

50 Alinéa 69 (1) b) (ii) LIR.

51 La Reine c. Kieboom, 92, DTC 6382; 2000 DTC 6047.

52 Barrey Romkey and Brian Romkey c. La Reine, 97 DTC 719; 2000 DTC 6047 (C.A.F.)

53 Voir les paragraphes 74.1(1) et 74.1(2) LIR.

2.5 ACTIONS PRIVILÉGIÉES OU ORDINAIRES?

Le scénario de départ envisagé par l’utilisation d’actions à dividendes discrétionnaires, visait des actions ordinaires, permettant aux détenteurs de ces actions de recevoir des dividendes qui ne soient pas nécessairement proportionnels à leur détention d’actions. C’est ce qui arriva dans l’affaire McClurg qui fut à l’origine des actions à dividendes discrétionnaires.

 

Des actions ordinaires à dividendes discrétionnaires demeurent de mise dans le cas visé par une compagnie comprenant plusieurs actionnaires qui, bien qu’ils veulent partager la plus-value de celle-ci entre eux, au prorata de leur détention d’actions, sont prêts à partager les bénéfices annuels dans toute proportion de leur choix, sans que cela soit au prorata de leur détention d’actions.

 

Dans le cas où la seule préoccupation des parties est de permettre à certaines personnes de participer dans les dividendes versés à même les bénéfices de l’année, mais non pas dans la plus-value de la compagnie, l’utilisation d’actions privilégiées, non participantes, à dividendes discrétionnaires, devient de plus en plus populaire. Particulièrement dans le contexte de l’incorporation des professionnels, qui désirent permettre le fractionnement des profits de leur pratique entre les mains de personnes qu’ils désirent avantager (parents, ami(e)s, protégés, etc.).

 

Dans le cas d’actions privilégiées à dividendes discrétionnaires, il serait préférable de prévoir dans les statuts créant ces actions, les droits, privilèges, conditions et restrictions minimums suivants :

 

  • actions non-votantes;
  • actions rachetables au gré de la compagnie, pour pouvoir s’en débarrasser dès que leur utilité a cessé;
  • actions automatiquement rachetables par la compagnie au décès de leur détenteur, pour éviter qu’elles puissent être transmises par succession et qu’une valeur marchande quelconque puisse leur être attribuée;
  • actions automatiquement rachetables par la compagnie advenant la faillite de leurs détenteurs, pour éviter qu’elles tombent entre les mains de leurs créanciers;
  • actions non-participantes, autrement que par les dividendes reçus.

 

Je ne vois pas tellement l’utilité de conférer à de telles actions privilégiées un droit de rachat au gré de leur détenteur, à moins que le détenteur même de ces actions veuille pouvoir les faire disparaître advenant que cette participation dans la compagnie visée ne crée une relation indésirable (telle une association de compagnies) avec toute autre compagnie dans laquelle ce détenteur possède des actions.

 

Le fait que les actions privilégiées à dividendes discrétionnaires ne soient ni votantes, ni participantes et qu’elles soient rachetables au gré de la compagnie et au décès de leur détenteur devrait militer en faveur d’une évaluation de la juste valeur marchande de ces actions à zéro (0) ou, au mieux, au montant versé pour ces actions au compte capital-actions de la compagnie pour ces actions.

3 FIDUCIE DISCRÉTIONNAIRE

Le but du présent texte étant de comparer l’utilisation de la fiducie discrétionnaire à celle des actions à dividendes discrétionnaires, et non pas de s’attarder sur la constitution d’une telle fiducie, ce n’est pas ici que vous retrouverez une étude des fondements de la fiducie. Ce sujet a déjà été traité en profondeur par plusieurs conférenciers en d’autres occasions. 

 

Qu’apporte la fiducie discrétionnaire par rapport aux actions à dividendes discrétionnaires?

3.1 PATRIMOINE DISTINCT

La fiducie est un patrimoine d’affectation autonome et distinct qui vient s’ajouter à la structure corporative du contribuable. En plus de la compagnie visée par la planification de fractionnement, il y aura une fiducie dont il faudra se préoccuper.  

 

Une fiducie requiert des frais d’implantation, de même que des frais annuels de maintien en vigueur, ne serait-ce que pour la préparation des états financiers de la fiducie et de sa déclaration de revenus. Également, il y aura peut-être lieu de payer un ou des co-fiduciaires pour leurs services, sans compter le remboursement de leurs dépenses raisonnables et justifiées encourues pour les fins de la fiducie.

3.2 AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DE LA FIDUCIE ENTRE VIFS

Je ne reprendrai pas ici au long l’énumération des avantages et des inconvénients de la fiducie, ce sujet ayant déjà été traité à plusieurs reprises. Je me contenterai d’un bref aperçu qui est en fait dans un texte récent traitant de l’Utilisation de la fiducie en agriculture et qui est joint aux présentes comme annexe « A ».  

 

Les avantages qui y sont traités mentionnent : 

 

  • report de l’impôt
  • protection d’actifs (protection du futur et protection des biens présents)
  • fractionnement des revenus
  • multiplication de la déduction pour gains en capital.

 

Quant aux inconvénients qui y sont traités, il y est fait mention de ce qui suit :

 

  • exercice financier
  • taux d’imposition
  • sources de revenus
  • entreprise exploitée en fiducie
  • association de compagnies
  • Kiddie Tax
  • règle des vingt-et-un (21) ans.

 

Ces avantages et inconvénients sont vus dans le contexte d’une fiducie en agriculture, mais pour la plupart, les commentaires qui y sont faits sont également valables pour toutes les fiducies.

 


54 Luc MARTEL et Julie LEBREUX, Utilisation de la fiducie en agriculture, Colloque 178 du 12 novembre 2008, Financement et fiscalité agricole, Collection fiscale CCH en ligne, Association de planification fiscale et successorale.

3.3 DÉTENTION D’ACTIONS

Comme nous le constaterons dans le tableau comparatif de la section 4 ci-après, la fiducie discrétionnaire et les actions à dividendes discrétionnaires ont plusieurs points en commun.  

 

Cependant, il est un élément de la fiducie discrétionnaire qui se démarque et qui risque de faire pencher la balance en faveur de la fiducie, particulièrement lorsque la nouvelle Loi sur les compagnies sera en vigueur. Contrairement aux actions à dividendes discrétionnaires, lesquelles sont détenues directement par les personnes en faveur de qui on veut fractionner des dividendes ou du gain en capital, la fiducie discrétionnaire, tant qu’elle n’est pas dissoute, ne met pas les actions qu’elle détient entre les mains de ces personnes, qui sont simplement bénéficiaires de la fiducie.

 

Tous les droits associés à la détention d’actions sont alors exercés par les fiduciaires, pour le compte de la fiducie détentrice des actions, plutôt que par les bénéficiaires qui ne sont pas encore personnellement actionnaires de la compagnie.

 

Cependant, la nouvelle Loi sur les compagnies se propose d’adopter des mesures similaires à la Loi canadienne sur les sociétés par actions en ce qui a trait au droit de dissidence et au recours pour oppression.

 

Or, le fait de faire détenir les actions de la compagnie par une fiducie discrétionnaire mettra-t-il la compagnie à l’abri des recours pour oppression de la part des bénéficiaires de cette fiducie? Le bénéficiaire d’une fiducie peut-il être un « plaignant » pouvant demander au tribunal de rendre une ordonnance pour réparer un « abus »?

 

« Plaignant » comprend, entre autres :

 

  • le détenteur inscrit ou le « véritable propriétaire » de valeurs mobilières
  • toute autre personne qui, d’après un tribunal, a qualité pour présenter une telle demande55

 

En common law, le bénéficiaire d’une fiducie pourrait être le « véritable propriétaire » (« beneficial owner ») des actions détenues par la fiducie. À défaut, le bénéficiaire pourrait se réclamer comme étant « toute autre personne qui … » a un intérêt dans un tel recours. Dans l’affaire albertaine Kwinter56, il a été décidé que le bénéficiaire d’une fiducie était en droit de demander au tribunal de rendre une ordonnance pour réparer les prétendus préjudices soulevés par ce bénéficiaire, ou encore, de demander la dissolution de la compagnie dans laquelle la fiducie détient des actions.

 

Le bénéficiaire « plaignant » allègue, entre autres, une « expropriation » des profits de la compagnie Metrowest, une administration inconvenante de la compagnie, le défaut de rendre compte de la situation financière de la compagnie, une rémunération excessive des dirigeants pour l’administration, des versements injustifiés de dividendes et de frais légaux, le paiement de dépenses personnelles des parents du plaignant par la compagnie, etc.

 

Dans cette affaire, Mme Kwinter et sa sœur sont toutes deux les seules bénéficiaires d’une fiducie familiale mise en place par leurs parents en décembre 1989. Cette fiducie a pu souscrire aux cent (100) nouvelles actions ordinaires de la compagnie Metrowest dans le cadre d’un gel successoral, les parents se réservant des actions privilégiées rachetables et votantes.

 

Le père, M. Schwartz, a été, de son vivant, le seul fiduciaire de la fiducie et l’administrateur unique de la compagnie.

 

Mme Kwinter a même inclus sa sœur dans le lot des personnes contre lesquelles elle prend action. Les parties défenderesses demandent à la Cour de rejeter cette demande d’ordonnance de la part de Mme Kwinter, prétendant que cette dernière n’a pas de lien de droit et la capacité juridique d’entreprendre une telle demande.

 

Retenons simplement que le tribunal a donné raison à Mme Kwinter quant à sa qualité de « plaignante » pour les fins d’un recours pour oppression. La Cour a jugé qu’en certaines circonstances les bénéficiaires d’une fiducie peuvent être considérés comme les « beneficial owners » (ou véritables propriétaires) et en conséquence des plaignants en vertu de la Business Corporations Act de l’Alberta57.

 

La Cour reconnaît qu’en temps normal une même personne possède la propriété légale (« legal ownership ») et la propriété véritable (« beneficial ownership ») des actions qu’il détient. Cependant dans le cas d’une fiducie, la propriété légale appartient aux fiduciaires, tandis que la véritable propriété (« beneficial ownership ») est détenue par les bénéficiaires de la fiducie.

 

Voilà qui augure mal pour les planificateurs québécois étant donné que la Loi sur les compagnies du Québec va bientôt adopter le recours pour oppression, sensiblement dans la même veine que celui de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, de manière à ce que la jurisprudence fédérale puisse servir de guide dans l’application des mesures à venir au Québec.

 

Pourra-t-on distinguer l’affaire Kwinter de celle d’un bénéficiaire d’une fiducie familiale discrétionnaire constituée en vertu du Code civil du Québec?

 

Tout d’abord, au Québec une fiducie est un patrimoine distinct et autonome. Peut-on distinguer entre la propriété légale (« legal ownership ») et la véritable propriété (« beneficial ownership ») de la même façon qu’en common law? Un bénéficiaire d’une fiducie personnelle constituée en vertu du Code civil du Québec peut-il prétendre avoir un droit quelconque dans les biens détenus par la fiducie? Un droit de regard sur l’administration qu’en font les fiduciaires, peut être58, mais un droit de propriété quelconque59?

 

De plus, dans le cas de la fiducie dont Mme Kwinter est bénéficiaire, il n’y a que deux (2) bénéficiaires, soit sa sœur et elle-même, et le partage doit se faire en parts égales entre elles lors de la liquidation de la fiducie. Qu’en serait-il d’une fiducie discrétionnaire comprenant plusieurs bénéficiaires, dont aucun n’a d’assurance de recevoir quoi que ce soit?

 

Il ne faudra donc pas se surprendre de voir les tribunaux du Québec être encore plus sollicités par des actionnaires se jugeant lésés, afin de faire redresser ces situations prétendument abusives ou découlant d’actes oppressifs ou injustes de la compagnie ou de ses administrateurs à leur égard.

 

Déjà les tribunaux ont reconnu comme indice d’une conduite susceptible de donner ouverture aux recours pour oppression :

 

  • l’absence d’un but corporatif valide pour une transaction;
  • le manque de bonne foi de la part des administrateurs de la compagnie;
  • la discrimination entre les actionnaires, ayant pour effet de favoriser l’actionnaire majoritaire à l’exclusion ou au détriment de l’actionnaire minoritaire;
  • le manque de divulgation adéquate et appropriée d’informations importantes60.

 

La déclaration d’un dividende à un actionnaire plutôt qu’à un autre, à la discrétion des administrateurs de la compagnie, sera l’occasion pour les détenteurs d’actions qui se jugent floués par cette déclaration de dividende, d’intenter un recours pour oppression, pouvant amener le tribunal, parmi sa vaste palette de remèdes possibles, à ordonner l’achat des actions du plaignant (ou même, la dissolution de la compagnie dans les cas extrêmes). Le tribunal a alors toute latitude quant à la fixation du prix pour lequel l’achat forcé est ordonné61.

 

Dans le cas d’actions privilégiées à dividendes discrétionnaires, le tribunal aura sans doute quelques difficultés à attribuer une valeur à ces actions. Mais dans le cas d’actions ordinaires à dividendes discrétionnaires, le tribunal aura libre cours pour en établir la juste valeur.

Pour toutes ces raisons, malgré le bémol apporté par l’affaire Kwinter, il deviendra avantageux pour l’auteur d’une planification fiscale de gel ou de fractionnement, de songer à une fiducie discrétionnaire afin d’effectuer ce fractionnement, plutôt qu’à l’émission d’actions à dividendes discrétionnaires directement aux personnes visées par ce fractionnement.

 


55 Article 238 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, définition de « plaignant ».

56 Kwinter c. Metrowest Development Ltd., 2007 ABQB 713.

57 Les dispositions de l’article 239 de la Business Corporations Act sont similaires à celles de l’article 238 la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

58 Article 1287 (des mesures de surveillance et de contrôle … du bénéficiaire) et 1351 (du compte annuel) du Code civil du Québec.

59 Article 1261 du Code civil du Québec : « Le patrimoine fiduciaire, formé des biens transférés en fiducie, constitue un patrimoine d’affectation autonome et distinct de celui du constituant, du fiduciaire ou du bénéficiaire, sur lequel aucun d’entre eux n’a de droit réel. »

60 Arthur c. Signum Communications Ltd, [1991] O.J. No 86 (Gen. Div.), confirmé en appel [1993] O.J. No 1928 (Gen. Div.).

61 L’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, contrairement à l’article 190, n’exige pas que l’achat s’effectue à la « juste valeur ». Cela n’empêche pas les tribunaux, dans plusieurs dossiers, d’avoir recours aux mêmes principes d’évaluation des actions que sous ce dernier article : voir Maurice et Paul MARTEL, La compagnie au Québec – les aspects juridiques, op. cit. note 13, paragraphe 31-271. Il nous reste à attendre quelques mois pour savoir comment le projet de la nouvelle Loi sur les compagnies adoptera ces mesures.

3.4 LES TROIS INCERTITUDES

Également, la fiducie discrétionnaire familiale entre vifs est souvent la réponse à l’une ou l’autre des trois incertitudes ci-après à laquelle l’auteur d’une planification successorale de « gel » peut être confrontée :

 

  • incertitude quant aux bénéficiaires ultimes du gel;
  • incertitude quant au partage (pourcentage de répartition) des biens entre les bénéficiaires qui auront été choisis;
  • incertitude quant à la finalité du gel .

Pour en savoir plus sur ces trois incertitudes et en quoi la fiducie entre vifs y apporte son secours, voyez le texte écrit tout récemment sur ce sujet62 reproduit en annexe « B » au présent texte.

 


62 Op. cit. note 54, pages 4 à 10.

4 TABLEAU COMPARATIF

Plutôt que d’expliquer en long et en large les points communs et les différences entre l’utilisation d’une fiducie discrétionnaire et d’actions à dividendes discrétionnaires, j’ai préparé un tableau comparatif résumant ces points communs et différences.

 

ÉLÉMENT DE PLANIFICATION FIDUCIE DISCRÉTIONNAIRE ACTIONS À DIVIDENDE DISCRÉTIONNAIRE
  1. Fractionnement de revenus

(BNR de la compagnie)

OUI, par attribution du dividende reçu à ou aux bénéficiaires voulus 

(dividendes : règle du conduit, 104(19) LIR)

(attention à la Kiddie Tax)

OUI, par versement du dividende à ou aux détenteurs d’actions voulus (actions ordinaires ou privilégiées)

(attention à la Kiddie Tax)

  1. Fractionnement de dividendes en capital (CDC) 
OUI, par attribution du CDC à ou aux bénéficiaires voulus

(CDC : règle du conduit, 104 (20) LIR)

OUI, par versement du CDC à ou aux détenteurs d’actions voulus

(actions ordinaires ou privilégiées)

  1. Fractionnement de plus-value (multiplication de la déduction pour gains en capital)
OUI, si fiducie détient des actions ordinaires (attribution du gain en capital imposable : règle du conduit, 104 (21) et (21.2) LIR) OUI, par la détention d’actions ordinaires par le ou les détenteurs
  1. Répartition de la plus-value
OUI, et choix du pourcentage de répartition peut attendre 21 ans ou plus. OUI, mais le choix du pourcentage de répartition doit être déterminé immédiatement
  1. Protection d’actif
OUI, grâce au patrimoine autonome et distinct qu’est la fiducie NON, les actions faisant partie du patrimoine personnel des détenteurs
  1. Coût de mise en place
OUI, pour la préparation d’un acte de fiducie et des inscriptions appropriées au RDPRM NON, si les actions déjà prévues dans les statuts de constitution (sinon frais de statuts de modification)
  1. Coût annuel
OUI, pour états financiers et déclaration de revenus (T3); frais et honoraires des fiduciaires NON, la compagnie et ses actionnaires étant déjà des contribuables devant produire leur déclaration de revenus
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION FIDUCIE DISCRÉTIONNAIRE ACTIONS À DIVIDENDE DISCRÉTIONNAIRE
  1. Purification continue
OUI, en prévoyant une compagnie de gestion comme bénéficiaire OUI, en faisant détenir des actions (privilégiées) par une compagnie de gestion
  1. Dégel
OUI, en prévoyant l’auteur du gel comme bénéficiaire (dégel « rétroactif » possible) NON, si les actions ordinaires sont détenues par d’autres personnes (dégel « non rétroactif » reste possible, avec le consentement des bénéficiaires du gel)
  1. Intervention de tiers
OUI, présence d’au moins un co-fiduciaire non bénéficiaire requise NON, seules les personnes voulues deviennent actionnaires
  1. Contrôle par l’auteur de la planification
OUI, vote prépondérant possible si égalité entre 2 fiduciaires; vote de la majorité, dont l’auteur du gel, si plus de 2 fiduciaires OUI, par actions de contrôle, convention entre actionnaires ou convention unanime d’actionnaires
  1. Droit aux états financiers de la compagnie
OUI, pour la fiducie

NON, pour ses bénéficiaires (lesquels devront se contenter du bilan de la fiducie)

OUI, pour chaque détenteur d’actions (privilégiées ou ordinaires)
  1. Droit aux livres et aux registres (à caractère public) de la compagnie
OUI, pour la fiducie

NON, pour ses bénéficiaires

OUI, pour chaque détenteur d’actions (privilégiées ou ordinaires)
  1. Recours pour oppression
OUI, pour la fiducie qui subit un « préjudice injuste » qu’elle veut faire réparer.

OUI, pour les bénéficiaires, si une société fédérale est impliquée.

NON, pour les bénéficiaires, si une compagnie du Québec est impliquée (du moins jusqu’à ce que la Loi sur les compagnies du Québec soit modifiée).

OUI, pour chaque détenteur d’actions qui démontre un « préjudice injuste » à réparer, si une société fédérale (et aussi si compagnie du Québec lorsque la Loi sur les compagnies sera modifiée prochainement).
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION FIDUCIE DISCRÉTIONNAIRE ACTIONS À DIVIDENDE DISCRÉTIONNAIRE
  1. Droit de ne pas nommer un vérificateur pour les états financiers de la compagnie
OUI, pour la fiducie

NON, pour ses bénéficiaires

OUI, pour chaque détenteur d’actions (privilégiées ou ordinaires)
  1. Droit de veto sur certaines décisions de la compagnie
OUI, pour la fiducie, chaque fois que ses droits d’actionnaire sont affectés, selon le pourcentage de votes prévu.

NON, pour ses bénéficiaires

OUI, pour chaque détenteur d’actions votantes dont les droits sont affectés, selon le pourcentage des votes prévu.

NON, pour chaque détenteur d’actions non votantes (sauf en certaines circonstances, dont le vote par catégorie et lorsque ses actions sont visées par le changement recherché)

  1. Intérêts réputés à l’auteur s’il promet qu’une « personne désignée » devienne un « actionnaire déterminé » (74.4 (2) LIR)
OUI, pour toute période où la compagnie n’est pas une SEPE (à moins qu’il n’y ait aucun « transfert » à celle-ci par l’auteur). OUI, pour toute période où la compagnie n’est pas une SEPE (à moins qu’il n’y ait aucun « transfert » à celle-ci par l’auteur).

 

5 CUMUL DES DEUX TECHNIQUES

Y a-t-il des circonstances où il est avantageux d’utiliser à la fois la fiducie discrétionnaire et les actions à dividendes discrétionnaires? Certainement. Voici quelques exemples.

 

Dans le cas où l’auteur de la planification envisage permettre aux bénéficiaires de sa fiducie familiale discrétionnaire à qui des actions de la compagnie familiale seront remises, de bénéficier de dividendes discrétionnaires entre eux, il serait avantageux de prévoir dès le départ que la fiducie souscrive à plusieurs catégories d’actions à dividendes discrétionnaires, plutôt qu’à une seule catégorie d’actions ordinaires.  Par exemple, s’il est prévu que les actions détenues par la fiducie seront éventuellement réparties entre trois (3) bénéficiaires, en parts égales entre eux, la fiducie pourrait immédiatement souscrire à soixante (60) actions ordinaires de trois catégories distinctes (disons des « O-1 », « O-2 » et « O-3 »), pour un (1) dollar par action. Ceci requerra que la fiducie investisse cent quatre-vingt dollars (180 $) dans la compagnie. Éventuellement, chacun des bénéficiaires se verra attribuer les actions ordinaires d’une des catégories détenues par la fiducie63

 

Jusqu’au jour de la liquidation de la fiducie discrétionnaire, ce genre de planification ne changera en rien la participation de la fiducie discrétionnaire dans la compagnie familiale, puisque la fiducie détiendra cent pour cent (100 %) des actions participantes, même s’il s’agit d’actions de plusieurs catégories.

 

Une autre situation où il serait avantageux de marier actions à dividendes discrétionnaires et fiducies discrétionnaires serait celle d’une compagnie ayant plus d’un actionnaire, désireux de procéder à un gel de succession.

 

Pensons à une compagnie familiale appartenant à deux sœurs qui toutes deux aimeraient geler leur participation pour le bénéfice de leurs enfants respectifs. Les nouvelles actions participantes, après le gel, pourraient alors être souscrites par la fiducie familiale discrétionnaire constituée pour chacune des familles des deux sœurs. Le nombre de catégories d’actions ordinaires à dividendes discrétionnaires à prévoir dépendra des objectifs recherchés par les sœurs.  Souhaitent-elles uniquement une répartition discrétionnaire entre leurs deux familles?  Alors deux (2) catégories d’actions à dividendes discrétionnaires devraient suffire.  Ou veulent-elles immédiatement prévoir la possibilité d’une répartition discrétionnaire entre chacun des bénéficiaires éventuels de leur fiducie familiale respective? Alors autant de catégories d’actions à dividendes discrétionnaires qu’il y aura de bénéficiaires à qui l’on voudra les attribuer pourront être souscrites par chacune des fiducies familiales.

 


63 Pourquoi soixante (60) actions par catégorie plutôt que cent (100) ou tout autre nombre? Parce que le nombre soixante (60) se divise bien par deux (2), par trois (3), par quatre (4), par cinq (5), et même par six (6), ce qui facilitera les transactions futures entre les détenteurs d’actions. Par contre, sitôt que plus d’un détenteur détiendra des actions dans une catégorie d’actions commune, la discrétion entre eux ne sera pas possible quant à cette catégorie. Heureusement, il leur reste encore les actions de leur catégorie distincte respective pour cette discrétion.

6 SCHÉMAS DE PLANIFICATIONS POSSIBLES

Vous trouverez ci-après plusieurs schémas résumant des planifications fiscales utilisant les actions à dividendes discrétionnaires, les fiducies discrétionnaires ou les deux.

6.1 COMPAGNIES RATTACHÉES

64

  • Les « A », « B » et « C » sont votantes, participantes et à dividendes discrétionnaires.
  • Gesco 1, Gesco 2 et Gesco 3 ne sont pas liées.
  • Gesco 1, Gesco 2 et Gesco 3 sont-elles respectivement « rattachées » à OPCO?
  • Pour être rattachée, chacune de Gesco 1, Gesco 2 et Gesco 3 doit détenir plus de 10 %, en vote et en valeur, des actions d’OPCO.

 

Réponse de l’ARC : les compagnies sont rattachées.

  • Plus de 10 % des votes (chacune a 331/3% des votes).
  • Plus de 10 % de la JVM, car :

 

  • bien que le versement d’un dividende discrétionnaire par OPCO influerait sur la JVM des actions émises de son capital-actions,
  • cela ne viendrait pas modifier la proportion de la JVM des actions du capital-actions d’OPCO détenues par chacune des trois GESCO, à un moment donné,
  • puisque chaque actionnaire détiendrait une catégorie d’actions parmi trois catégories d’actions ayant des droits identiques du point de vue d’un acheteur potentiel.

64 Source : Table ronde sur la fiscalité fédérale, paragraphe 2.1, Congrès 2004, Montréal, Association de planification fiscale et financière, 2005, pages 50:27 et 50:28. Exemple vu à la section 2.4 ci-devant.

6.2 UTILISATION MIXTE (1)

L’auteur souhaite que les bénéficiaires A, B et C soient à dividendes discrétionnaires lors de la liquidation de la fiducie familiale.

6.3 UTILISATION MIXTE (2)

Les sœurs souhaitent que leur famille respective soit à dividendes discrétionnaires.

6.4 REMARIAGE (1)

L’auteur souhaite avoir une discrétion entre les enfants d’un premier et d’un second mariage.

6.5 REMARIAGE (2)

L’auteur souhaite avoir une discrétion à la fois entre ses enfants d’un mariage et de l’autre, et entre les enfants de chaque mariage.

6.6 FRACTIONNEMENT DIRECT, AVEC GEL

65


65 Exemple tiré de l’Étude de cas 2 – L’incorporation des professionnels, op. cit., note 6, page 50:34.

6.7 FRACTIONNEMENT DIRECT, SANS GEL

6.8 FRACTIONNEMENT INDIRECT, AVEC GEL

6.9 FRACTIONNEMENT INDIRECT, SANS GEL

6.10 PROFESSIONNEL, COMPAGNIE DE SERVICES DU PROFESSIONNEL ET SOCIÉTÉ DE GESTION COMME SOCIÉTÉ MÈRE (SANS GEL)

66


66 Exemple tiré de l’Étude de cas 2, L’incorporation des professionnels, op. cit. note 6, page 50:35.

6.11 PROFESSIONNEL, SA COMPAGNIE DE SERVICES PROFESSIONNELS ET SOCIÉTÉ DE GESTION EN TANT QUE BÉNÉFICIAIRE DE LA FIDUCIE (GEL RÉVERSIBLE)

67


67 Exemple tiré de l’Étude de cas 2, L’incorporation des professionnels, op. cit. note 6, page 50:36.

6.12 PROFESSIONNEL, SA COMPAGNIE DE SERVICES PROFESSIONNELS ET SOCIÉTÉ DE GESTION ELLE-MÊME DÉTENUE PAR UNE FIDUCIE (CAS D’APPLICATION DU PARAGRAPHE 74.4(2) L.I.R.) (AVEC GEL RÉVERSIBLE)

68


68 Exemple tiré de l’Étude de cas 2, L’incorporation des professionnels, op. cit. note 6, page 50:37.

6.13 PURIFICATION CONTINUE – CONSERVATION DES ORDINAIRES PAR PARTICULIER

6.14 PURIFICATION CONTINUE – SANS GEL

6.15 PURIFICATION CONTINUE – AVEC GEL (TOTAL OU PARTIEL)

CONCLUSION

Il demeure que l’utilisation de la fiducie discrétionnaire sera toujours de mise en réponse à l’une des trois incertitudes lors de la mise sur pied d’une planification successorale, soit : 

 

  • incertitude quant aux bénéficiaires ultimes;
  • incertitude quant au partage des biens entre les bénéficiaires;
  • incertitude quant à la finalité de la transmission.

 

Par ailleurs, si la seule préoccupation de l’auteur de la planification est de fractionner des dividendes avec d’autres membres de sa famille, sans nécessairement souhaiter un fractionnement de la plus-value, de simples actions privilégiées à dividendes discrétionnaires suffiraient à la tâche. Une telle planification pourrait satisfaire de nombreux professionnels de la santé qui s’incorporent et qui veulent partager leurs excédents de bénéfices avec certains membres de leur famille ou d’autres personnes auxquelles ils veulent venir en aide, sans pour autant partager la plus-value de leur compagnie de services professionnels ou de leur compagnie de gestion.  

 

Par contre, si l’intention est de plus de partager cette plus-value future avec d’autres personnes, des actions ordinaires à dividendes discrétionnaires seront à envisager. Ces actions ordinaires pourront être souscrites directement par les bénéficiaires du gel s’ils sont déjà identifiés, ou encore par une fiducie discrétionnaire, si ce choix reste à être déterminé au cours des prochaines années69.

 

La fiducie discrétionnaire permet de plus d’éviter que les bénéficiaires d’un gel n’aient immédiatement des droits d’actionnaires (états financiers, vérificateur, registres, veto). Il est moins certain cependant que cette détention « indirecte » de la part des bénéficiaires ne les prive de leur recours pour oppression le cas échéant.

 


69 En n’oubliant pas la règle des vingt-et-un (21) ans.

ANNEXE « A »

Quels avantages l’auteur d’une transmission d’entreprise escompte-t-il retirer de la constitution et de l’utilisation d’une fiducie entre vifs?

4.1. LES INCONVÉNIENTS

4.1.1. Exercice financier

Contrairement à la fiducie testamentaire, la fiducie entre vifs doit nécessairement utiliser l’année civile comme exercice financier aux fins du calcul de son revenu70.

 


70 Par. 104(2) L.I.R.; art. 647 L.I.: une fiducie est, aux fins de la loi fiscale, réputée être un particulier, ce qui fait que la fiducie a le même exercice financier que le particulier, soit l’année civile. Une fiducie testamentaire a, quant à elle, le choix de son année d’imposition: par. 104(23) L.I.R.; art. 678 L.I.

4.1.2. Taux d'imposition

Une fiducie entre vifs paie un taux uniforme d’impôts équivalant au taux maximum des particuliers71. Par contre, une fiducie testamentaire paie des impôts aux taux progressifs qui s’appliquent aux particuliers72.

 


71 Par. 122(1) L.I.R.; art. 768 L.I.

72 Par. 117(2) L.I.R.; art. 750 L.I.

4.1.3. Sources de revenus

Tous les revenus versés à une fiducie entre vifs, de quelque source soient-ils, deviennent du revenu tiré de biens lorsqu’ils sont attribués aux bénéficiaires de la fiducie, à moins que la source de revenus ne jouisse d’une «règle du conduit» en vertu de laquelle la nature du revenu reçu par la fiducie est préservée lorsque ce revenu est versé à un bénéficiaire.

Les principales règles du conduit sont les suivantes:

  • les dividendes – un dividende imposable qu’une fiducie reçoit au cours d’une année d’imposition sur une action d’une compagnie canadienne imposable et qu’elle attribue à un bénéficiaire est réputé ne pas avoir été reçu par la fiducie et constituer un dividende imposable sur l’action reçue de la compagnie par le bénéficiaire73;
  • les dividendes en capital – un dividende non imposable qu’une fiducie reçoit au cours d’une année d’imposition doit être attribué, dans sa déclaration de revenus produite pour l’année, au bénéficiaire à qui ce dividende est devenu payable74;
  • gains en capital imposables – les gains en capital imposables nets d’une fiducie que celle-ci attribue à un bénéficiaire dans sa déclaration de revenus pour une année d’imposition sont réputés être, pour ce bénéficiaire, un gain en capital imposable égal à un montant calculé selon une formule précise prévue par la loi75.

C’est grâce à la règle du conduit afférente aux gains en capital imposables qu’il est possible pour une fiducie entre vifs de procéder à des attributions aux bénéficiaires, structurées de manière à maximiser l’utilisation des déductions pour gains en capital des bénéficiaires.

 


73 Par. 104(19) L.I.R.; art. 666 L.I.

74 Par. 104(20) L.I.R.; art. 667 L.I.

75 Par. 104(21) et 104(21.2) L.I.R.; art. 668, 668.1 et 668.2 L.I.: la formule applicable pour le calcul des gains en capital imposables réputés reçus par le bénéficiaire est différente selon que l’immobilisation dont la disposition a donné lieu aux gains en capital est un bien agricole admissible ou une action admissible de petite entreprise.

 

4.1.4. Entreprise exploitée en fiducie

Dans le cas où une entreprise est exploitée par l’intermédiaire d’une fiducie, plutôt que d’une compagnie, seule cette fiducie peut prendre avantage des pertes subies par l’exploitation de l’entreprise; les pertes réalisées par une fiducie ne peuvent être attribuées aux bénéficiaires de celle-ci; elles doivent être consommées par la fiducie elle-même. Les pertes sont donc captives de la fiducie jusqu’à ce que celle-ci puisse réaliser des revenus lui permettant de les absorber. D’où d’ailleurs l’ajout dans la loi de mesures permettant à une fiducie de demeurer imposable sur un revenu qu’elle a attribué à un bénéficiaire, de sorte que le bénéficiaire reçoive un chèque pour le montant des revenus qui lui sont attribués alors que la fiducie conserve ce revenu aux fins de sa déclaration de revenus, contre lequel revenu elle pourra appliquer toute perte accumulée76.

 


76 Par. 104(13.1) et 104(13.2) L.I.R.; art. 663.1 et 663.2 L.I.

4.1.5. Association de compagnies

Dans le cas où la fiducie détient des actions d’une compagnie exploitant une entreprise et que, d’autre part, un bénéficiaire de la fiducie détient lui-même le contrôle d’une autre compagnie exploitant une entreprise, il se pourrait que la compagnie que contrôle le bénéficiaire et la compagnie dans laquelle la fiducie détient des actions deviennent «associées» aux fins fiscales, avec, entre autres, pour conséquence que ces deux compagnies devront se partager un seul plafond de 400 000 $ admissible au taux réduit d’imposition pour les revenus d’entreprises exploitées activement au Canada par ces compagnies77.

Le même problème d’association de compagnies pourrait également se produire entre une compagnie dont la fiducie détient des actions et toute compagnie contrôlée par le fiduciaire unique de la fiducie.

 


77 Par. 125(1) et 125(3) et al. 256(1)c) L.I.R. ou 256(1)d) L.I.R.; art. 21.20 L.I.

4.1.6. Kiddie Tax

Tout dividende qu’une fiducie entre vifs voudra attribuer à un bénéficiaire mineur sera imposable au taux marginal maximum des particuliers dès le premier dollar78. Cette mesure a été adoptée par le législateur pour contrecarrer le fractionnement de revenus avec les enfants de moins de 18 ans.

Notons que certaines sources de revenus peuvent encore échapper à la Kiddie Tax, tels le revenu d’entreprise, le revenu d’intérêts, le revenu d’emploi, les dividendes en capital, le revenu de dividendes provenant d’actions cotées à une Bourse, le gain en capital imposable, etc.

 


78 Art. 120.4 L.I.R.; art. 766.5 et suiv. L.I.

4.1.7. Règle des 21 ans

Afin d’éviter que l’imposition de certains biens ne soit différée indéfiniment par le biais d’une fiducie, il y a des règles de disposition périodique visant les biens susceptibles d’une plus-value, tels les immobilisations, les fonds de terre en inventaire et les biens amortissables d’une catégorie prescrite.

Toute inclusion de revenus dans la fiducie découlant de l’application des règles de disposition présumées sera habituellement imposée au niveau de la fiducie79.

La période visée par la loi est de 21 ans, de sorte que tous les 21 ans la fiducie est obligée de constater les gains en capital cumulés et de payer l’impôt correspondant sur ces gains. Il est possible d’étaler le paiement de cet impôt sur une période de 10 ans (avec intérêts)80.

Pour éviter l’imposition, la fiducie pourrait se liquider et «rouler»81 les biens qu’elle détient à ses bénéficiaires. L’imposition serait alors retardée jusqu’à ce que ces bénéficiaires disposent eux-mêmes de ces biens.

 


79 Par. 104(4) L.I.R.; art. 653 L.I.

80 Par. 159(6.1) L.I.R.; art. 1031.1 (1er al.) et (2e al.) L.I.

81 Le roulement à la sortie de la fiducie peut ne pas être disponible si la fiducie a été, à un moment quelconque de son existence, une «fiducie avec droit de retour» au sens des paragraphes 75(2) et 107(4.1) L.I.R. et des articles 167 et 691.1 L.I. Voir la section 2.3. plus haut.

 

4.2. LES AVANTAGES

La fiducie entre vifs est devenue un outil fréquemment utilisé dans le cadre de l’élaboration d’une planification successorale, et tout particulièrement à la technique du gel de succession. Son utilité est cependant beaucoup plus marquée pour la transmission d’une entreprise incorporée que pour celle qui ne l’est pas.

Nous retiendrons aux fins du présent texte les principaux avantages découlant de l’usage d’une fiducie familiale entre vifs.

4.2.1. Report de l'impôt

Bernard est propriétaire d’une entreprise rentable dont la JVM est actuellement évaluée à 5 M$. Il aimerait que la plus-value future de son entreprise profite aux autres membres de sa famille. Il n’a pas encore identifié officiellement lequel ou lesquels membres de sa famille constitueraient sa relève.

En permettant à une fiducie familiale discrétionnaire de souscrire aux nouvelles actions avec droit de participation émises après qu’il eut échangé les siennes contre des actions privilégiées rachetables à sa demande pour un prix de 5 M$, il se met en position de reporter d’une génération l’impôt sur cette plus-value future qui s’accumulera à compter du jour du gel jusqu’au jour de son décès.

Si, lors du décès de Bernard, les nouvelles actions ordinaires détenues par la fiducie ont une valeur de 2 M$, voilà un montant que Bernard n’aura pas à transmettre à ses descendants par testament, puisque cette valeur appartiendra déjà à ses descendants qui seront les bénéficiaires de la fiducie familiale. Bernard aura ainsi reporté un impôt d’environ 500 000 $, soit l’impôt que sa succession aurait eu à payer sur un gain en capital additionnel de 2 M$.

Dans le cas où l’entreprise exploitée par Bernard serait une entreprise agricole, la question du report d’impôt ne serait pas aussi préoccupante étant donné les dispositions particulières applicables à l’agriculture.

En effet, contrairement aux entreprises autres qu’agricoles dont la disposition doit s’effectuer à la JVM entre personnes liées, l’entrepreneur qui exploite une entreprise agricole peut, de son vivant, transférer à son enfant des biens agricoles ou des actions d’une société agricole familiale sans conséquence fiscale82. Aux fins d’un tel transfert à son enfant avec impôt reporté, sont assimilés à un enfant de l’agriculteur son petit-enfant, son arrière-petit-enfant ou une personne qui, avant d’atteindre l’âge de 19 ans, était entièrement à la charge du contribuable et dont le contribuable avait alors la garde et la surveillance en droit ou de fait83.

De plus, l’ARC permet, à certaines conditions, qu’un agriculteur transfère des biens agricoles à une fiducie au profit exclusif d’un enfant mineur et qu’il puisse profiter des mêmes règles qu’un transfert direct à un enfant84.

Pour plus de détails sur le transfert libre d’impôts entre générations de biens agricoles, voyez la section 5.1.1. ci-après.

 


82 Par. 73(3) et 73(4) L.I.R.; art. 459 à 462 L.I.

83 Par. 70(10) L.I.R.; s.-par. 451d) «enfants» L.I.

84 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’interprétation IT-268R4, «Transfert entre vifs de biens agricoles en faveur d’un enfant», 15 avril 1996, par. 13.

4.2.2. Protection d'actifs

Une fiducie est un patrimoine d’affectation autonome et distinct de celui du constituant qui l’a créée, du ou des fiduciaires qui la gèrent et du ou des bénéficiaires pour qui la fiducie est créée85.

Ainsi, en théorie, les créanciers du constituant, du ou des fiduciaires ou du ou des bénéficiaires ne pourront s’approprier les biens de la fiducie en règlement de leurs créances à l’encontre de ces derniers. Il est fait mention d’une protection «théorique» des biens détenus par la fiducie parce que, en pratique, plusieurs éléments peuvent faire en sorte que cette protection sera inefficace, sinon complètement ignorée.

Tout d’abord, il y aurait lieu de distinguer, pour l’auteur du gel ou du transfert, entre une fiducie de protection du futur et une fiducie de protection du présent. Puis, nous verrons la protection possible pour les autres bénéficiaires de la fiducie.

 


85 Art. 1261 C.c.Q.

4.2.2.1. Fiducie de protection du futur

Par fiducie de protection du futur, il faut entendre une fiducie créée pour profiter de la croissance future des biens qu’elle détient. Prenons l’exemple de la fiducie familiale discrétionnaire créée pour souscrire aux nouvelles actions avec droit de participation d’une compagnie, concurremment à l’échange par le détenteur des actions avec droit de participation déjà émises en actions sans droit de participation rachetables à la demande de ce détenteur pour un prix égal à la JVM de la compagnie à la date de cet échange. La fiducie ne participera alors qu’à la plus-value future de la compagnie. La valeur accrue jusqu’au jour du gel demeure la propriété de l’auteur du gel et peut donc être saisie par ses créanciers (à moins que l’auteur du gel ne cherche à la mettre à l’abri en la transférant à une «fiducie pour soi», c’est-à-dire une fiducie dont il sera l’unique bénéficiaire).

Dans le cas d’une fiducie familiale, la protection d’actifs est plus efficace, particulièrement si la fiducie comprend plusieurs bénéficiaires discrétionnaires. Dans une telle situation, quel intérêt aurait le créancier d’un bénéficiaire à tenter de saisir les droits de ce bénéficiaire dans la fiducie? Que pourrait-il en faire? Quelle valeur peut avoir un droit à une participation discrétionnaire dans une fiducie? Les opinions divergent quant à la valeur pouvant être attribuée à une telle participation discrétionnaire. Pour certains, elle n’a aucune valeur. Pour d’autres86, il serait déraisonnable de conclure que la JVM de la participation discrétionnaire d’un bénéficiaire dans une fiducie n’a aucune valeur du simple fait qu’elle est difficile à mesurer. En l’absence de directives dans l’acte de fiducie permettant aux fiduciaires de favoriser un bénéficiaire par rapport aux autres, le principe de l’égalité suggérerait que la valeur de la participation de chacun des bénéficiaires dans la fiducie serait approximativement égale. Il va de soi que si les faits permettaient de conclure qu’un bénéficiaire a une moindre chance que les autres de recevoir une participation dans la fiducie, il pourrait être approprié d’escompter la valeur de la participation de ce bénéficiaire et d’augmenter celle des autres.

Remarquez que cette opinion de l’ARC quant à la valeur de la participation d’un bénéficiaire dans la fiducie était en réponse à la question de savoir si l’ajout d’un nouveau bénéficiaire dans une fiducie discrétionnaire entraînerait une disposition de la part des bénéficiaires existants de toute partie de leur participation dans la fiducie. Ce à quoi l’ARC a répondu par l’affirmative et a admis que la difficulté était d’établir la JVM de la participation de chacun des bénéficiaires dans la fiducie.

Le fisc, aux fins de cotisation, peut prétendre à une présumée disposition à la JVM d’une participation dans la fiducie.

Par contre, dans le contexte de la protection d’actifs contre les réclamations des créanciers des bénéficiaires (dont l’auteur du gel dans le cas d’une fiducie réversible), cette opinion de l’ARC ne sera pas d’un grand secours à ces créanciers, car même s’ils saisissaient la participation d’un bénéficiaire débiteur dans la fiducie, ils n’auraient aucun moyen d’exiger quoi que ce soit de la fiducie. Toute remise de revenu ou de capital à un bénéficiaire étant discrétionnaire, les fiduciaires n’auraient qu’à exercer leur discrétion de manière qu’aucun bien ou somme d’argent ne soit remis au bénéficiaire dont la participation est ainsi saisie.

De plus, habituellement, un acte de fiducie prévoit que tout bénéficiaire qui agit par ailleurs à titre de fiduciaire voit son rôle de fiduciaire suspendu advenant sa faillite, et ce, jusqu’à ce qu’il soit libéré de cette faillite.

 


86 AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2001-0111303, 27 novembre 2002.

4.2.2.2. Protection des biens présents

Dans le cas d’une fiducie à laquelle l’auteur transfère des biens lui appartenant, tels une résidence principale, des placements ou tous autres biens, la situation n’est pas la même. En premier lieu, l’auteur devra composer avec le fait que, mis à part quelques «fiducies spéciales87 », il n’y aura pas roulement des biens transférés à la fiducie. Il faudra donc pour l’auteur choisir judicieusement les biens qu’il veut transférer à une fiducie familiale. Une résidence principale est toujours un bien qui peut facilement être transféré à une fiducie, même si celle-ci ne permet pas le roulement à l’entrée dans la fiducie, étant donné que le gain en capital sur la disposition d’une résidence principale n’est pas imposé. Des biens dont le coût fiscal est égal à la JVM (des certificats de dépôt, des liquidités, des immobilisations fraîchement acquises) sont d’autres exemples de biens pouvant être transférés à une fiducie familiale. Sinon, l’auteur pourra toujours les «rouler» dans l’une ou l’autre des fiducies spéciales mentionnées ci-dessus.

Des auteurs88 soulignent ceci:

« […] peu importe la structure mise en place par l’utilisation d’une fiducie de façon à protéger les actifs d’un contribuable, l’important est de s’assurer que le fonctionnement de cette fiducie soit fait en conformité avec les règles applicables et qu’il y ait clairement une distinction en matière comptable entre le patrimoine du bénéficiaire et le patrimoine de la fiducie. Trop souvent une confusion entre ces patrimoines existe et cette confusion permet aux créanciers du bénéficiaire, ou même du constituant, d’attaquer l’acte de fiducie non pas en regard de sa constitution, mais plutôt sur la base qu’il s’agirait d’une simulation ou d’un prête-nom en faveur du réel bénéficiaire. Dans le cas de résidence personnelle et d’autres biens à usage personnel, cette approche est souvent retenue par les autorités fiscales dans la mesure où les statuts de bénéficiaire et celui de fiducie sont souvent confondus ».

Ces mêmes auteurs soulèvent que la fiducie n’offre pas une protection très efficace à l’égard des réclamations découlant du patrimoine familial ou des régimes matrimoniaux. Les tribunaux québécois mettent souvent les fiducies de côté, lorsqu’il s’agit de résidences familiales ou de régimes matrimoniaux, pour rechercher le réel lien économique entre l’élément d’actif et le conjoint et ramener la valeur de l’élément d’actif dans le patrimoine familial, soit en mettant de côté la fiducie sous divers raisonnements plus ou moins juridiques, soit en considérant que, lors de l’établissement d’une prestation compensatoire, l’enrichissement indu d’un conjoint par la présence d’une fiducie nécessite un réajustement «équitable»89.

Les biens qu’un particulier pourrait ainsi transférer à une fiducie seront-ils à l’abri des réclamations de ses créanciers actuels ou éventuels? Des textes détaillés ont été écrits sur le sujet90. Aux fins des présentes, soulignons brièvement les écueils que ces auteurs soulèvent.

 


87 Fiducie exclusive en faveur d’un conjoint, fiducie en faveur de soi-même, fiducie mixte au profit de l’époux ou du conjoint de fait, ou, fiducie pour soi: par. 73(1.01) et 73(1.02) L.I.R.; art. 454.1 et 454.2 L.I.

88 Serge FOURNIER et Marc FILIBERT, Concepts juridiques choisis à l’intention des comptables et des conseillers financiers, dans Congrès 2008 , Montréal, Association de planification fiscale et financière, 2009.

89 Infra , note 28.

90  Voir Michel LEGENDRE, L’utilisation de la fiducie à titre de mécanisme de protection des actifs dans un contexte de difficultés financières, (1997), vol. 19, no 1 Revue de planification fiscale et successorale 11-67. Également, voir François MORIN, Investissement et rémunération des promoteurs et des gestionnaires, dans Colloque – Financement nord-américain dans la turbulence – Partie I , 115, Montréal, Association de planification fiscale et successorale, 2001, pp. 22:1-41. Aussi, voir Michel TURCOT, De quelques questions sur l’utilisation des fiducies dans les planifications familiales, dans Congrès 98, Montréal, Association de planification fiscale et financière, pp. 7:78-105, particulièrement aux pages 7:101-103 pour la question de la fiducie et de l’article 160 L.I.R. vue plus loin à la section 4.2.2.2.4.

 

4.2.2.2.1. La Loi sur la faillite et l'insolvabilité

Si l’auteur d’un transfert de biens à une fiducie cherche à soustraire ses biens de sa faillite prochaine, ce sera sans succès. La Loi sur la faillite et l’insolvabilité91 permet au syndic du failli de faire annuler une disposition faite par le failli:

  • jusqu’à un an avant la faillite (surtout lorsqu’il s’agit d’un transfert fait à titre gratuit);
  • jusqu’à cinq ans avant la date de la faillite si le syndic peut prouver qu’en raison de la disposition, le disposant ne pouvait plus payer toutes ses dettes, ou encore que le disposant ne s’était pas défait de ses droits sur ses biens.

 


91  L.C. 1992, c. 27, particulièrement à l’article 91 de cette loi.

4.2.2.2.2. Action en inopposabilité

En vertu du Code civil du Québec92, les biens du débiteur sont affectés à l’exécution de ses obligations et constituent le gage commun de ses créanciers.

Ainsi, si le débiteur agit en fraude des droits de ses créanciers en tentant de soustraire ses biens à l’exécution de ses obligations, ses créanciers peuvent exercer des recours, dont l’action en inopposabilité93, sera réputé fait avec l’intention de frauder tout contrat à titre gratuit, même si le cocontractant ignorait ces faits, dès lors que le débiteur est insolvable ou le devient au moment où le contrat est conclu94.

 


92 Art. 2644 et 2645 C.c.Q.

93 Art. 1631 C.c.Q.: «Le créancier, s’il en subit un préjudice, peut faire déclarer inopposable à son égard l’acte juridique que fait son débiteur en fraude de ses droits, notamment l’acte par lequel il se rend ou cherche à se rendre insolvable ou accorde, alors qu’il est insolvable, une préférence à un autre créancier.»

94 Art. 1633 C.c.Q.

 

4.2.2.2.3. Législation pénale

Est un acte criminel, passible d’emprisonnement d’une durée plus ou moins longue (de 2 à 10 ans) selon l’importance de la valeur de l’objet de l’infraction, le fait de «frauder […] toute personne […] de quelques biens, argent ou valeur […]». Est également coupable d’un acte criminel «quiconque, avec l’intention de frauder ses créanciers […] fait don, transport, cession, vente, transfert […] de ses biens95  ».

Les conseillers en fiscalité ou tout consultant du contribuable ne doivent pas collaborer impunément avec ce dernier en vue de soustraire ses biens à ses créanciers, car est également une infraction criminelle le fait «d’encourager quelqu’un à commettre une infraction» et de «conseiller à une autre personne de participer à une infraction»96.

 


95 Code criminel , L.R.C. (1985), c. C-46 et mod. (ci-après «C.cr.»), art. 380 et 392.

96 Art. 21 et 22 C.cr. Voir le texte de M. LEGENDRE, loc. cit. , note 27, qui traite plus longuement de la législation pénale dans le cadre du particulier qui cherche à mettre ses biens à l’abri des réclamations de ses créanciers.

4.2.2.2.4. Législation fiscale

Lorsqu’un contribuable transfère des biens à une personne ayant un lien de dépendance avec lui, alors qu’il a des impôts à payer, le fisc peut réclamer du cessionnaire un montant égal au moins élevé du montant des impôts dus par le contribuable au moment du transfert et de la JVM des biens ainsi transférés au cessionnaire (déduction faite cependant de toute contrepartie donnée par le cessionnaire pour les biens)97.

La personne qui effectue le transfert et la personne qui acquiert le bien sont solidairement responsables du paiement des sommes dont l’une et l’autre sont redevables en vertu des lois sur les impôts (la Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur les impôts) par suite de la disposition98. Cette mesure de recouvrement entre les mains du cessionnaire est, comme le mentionne Michel Turcot99, une arme particulièrement efficace et populaire chez les autorités fiscales en ce qui a trait au recouvrement des impôts. Les articles 160 L.I.R. et 1034 L.I. confèrent au fisc des pouvoirs importants compte tenu du fait que:

  • il n’y a pas de délai de prescription quant à l’application de ces articles100;
  • la personne qui se voit imposer selon ces articles ne peut apporter une défense de diligence, ni remettre le bien qui a engendré son assujettissement;
  • le fisc n’a pas à épuiser les autres recours avant de l’utiliser.

Me Michel Turcot souligne que «les conditions habituelles de l’article 160 L.I.R. applicables à tous les particuliers, y compris les fiduciaires, doivent être présentes pour assujettir cette dernière, c’est-à-dire, se trouver en présence d’un transfert qui résulte en l’application des règles d’attribution ou qui a eu pour conséquence de diminuer le patrimoine du contribuable»101.

L’ARC considère que l’article 160 L.I.R. lui permettrait de réclamer à la fiducie les impôts liés à l’attribution qui résulterait du paragraphe 75(2) L.I.R., soit les règles de la fiducie avec droit de retour vues précédemment102. Ce serait trop beau pour un contribuable de mettre à l’abri ses biens en les transférant dans une fiducie avec droit de retour, laquelle jouirait de tous les revenus générés par les biens transférés, alors que l’auteur du transfert resterait responsable de l’impôt sur ces revenus.

Également, l’article 160 L.I.R. donne à l’ARC le droit de réclamer auprès d’une fiducie qui serait cessionnaire d’un bien les impôts du cédant, si les éléments suivants sont présents:

  • il y a eu transfert d’un bien à la fiducie pour une contrepartie moindre que la valeur marchande du bien;
  • le cédant a un lien de dépendance avec la fiducie; et
  • il y avait existence d’une dette fiscale du cédant pour l’année du transfert ou une année antérieure.

Si la fiducie a payé un montant au cédant pour l’acquisition du bien, elle ne pourrait être tenue responsable que pour la différence entre la valeur marchande du bien acquis et le prix payé. Ainsi, si la fiducie acquiert un bien d’une valeur de 1 000 $ pour une contrepartie de 500 $, elle pourrait se voir réclamer 500 $ en vertu de l’application de cette mesure.

Me Michel Turcot rappelle que le recours de l’ARC contre la fiducie «n’emporterait pas une responsabilité personnelle pour le fiduciaire, mais seulement pour le patrimoine fiduciaire, puisqu’un fiduciaire n’assume pas la responsabilité personnelle envers les tiers lorsqu’il agit dans les limites de ses pouvoirs»103.

Étant donné que l’article 160 L.I.R. ne trouve application que lorsque le cédant a un lien de dépendance avec la fiducie, il devient important de déterminer si l’auteur du transfert d’un bien à une fiducie a un lien de dépendance avec cette dernière. Or, un contribuable et une fiducie sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance dans le cas où le contribuable a un droit de bénéficiaire dans la fiducie104. A un droit de bénéficiaire dans une fiducie toute personne qui a le droit – immédiat ou futur, conditionnel ou non ou soumis ou non à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par une personne, etc. – à titre de bénéficiaire d’une fiducie de recevoir tout ou partie du revenu ou du capital de la fiducie donné, soit directement de celle-ci, soit indirectement105.

Me Michel Turcot s’attarde longuement dans son texte sur le lien de dépendance entre une fiducie et divers intervenants106.

 


97 Par 160(1) L.I.R.; art. 1034 L.I.; Loi sur le ministère du Revenu , L.R.Q., c. M-31 et mod. (ci-après «L.M.R.»), art. 14.4.

98 Par. 160(2) L.I.R.; art. 1034.0.0.1 L.I.

99 M. TURCOT, loc. cit. , note 27, 7:101.

100 Par. 160(2) L.I.R.; art. 1035 L.I. et art. 14.5 L.M.R.

101 M. TURCOT, loc. cit. , note 27, 7:102.

102 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’interprétation IT-369R, «Attribution du revenu provenant d’une fiducie à un auteur ou disposant», 12 mars 1990, tel que modifié par le Communiqué spécial du 24 juin 1994, par. 12.

103 Art. 1319 C.c.Q.; M. TURCOT, loc. cit. , note 27, 7:103.

104 Al. 251(1)b) L.I.R.; art. 18 L.I.

105 Par. 248(25) L.I.R.; art. 7.11.1 L.I.

106 M. TURCOT, loc. cit. , note 27, 7:97-101.

4.2.2.3. Protection des bénéficiaires

C’est bien beau pour l’auteur d’un transfert de biens à une fiducie de chercher à protéger ses biens cédés à la fiducie contre les réclamations de ses créanciers, ou encore de protéger les biens détenus par une fiducie contre les créanciers des divers intervenants (constituant, fiduciaires et bénéficiaires) d’une fiducie pendant la période de détention des biens par la fiducie.

Mais qu’en est-il lorsque les biens de la fiducie sont remis à un bénéficiaire? Sont-ils alors insaisissables par les créanciers de ce dernier? Jusqu’à quel point cet objectif d’insaisissabilité est-il réalisable?

La saisissabilité des biens est la règle générale et l’insaisissabilité est l’exception107.

Retenons qu’une clause d’insaisissabilité dans un acte de fiducie est sans effet, à moins que:

  • l’acte en question ne soit fait à titre gratuit (ce qui est habituellement le cas de la fiducie familiale discrétionnaire qui est utilisée dans un contexte de gel de succession);
  • la stipulation d’insaisissabilité ne soit temporaire ni justifiée par un intérêt sérieux et légitime108.

Néanmoins, le bien demeure saisissable par un créancier postérieur à la donation, avec la permission d’un juge et pour la portion que ce dernier détermine109.

En plus des biens expressément stipulés insaisissables, sont également insaisissables les provisions alimentaires adjugées en justice, de même que les sommes ou pensions données ou léguées à titre d’aliments, encore que le titre qui les a constituées ne les ait pas déclarées insaisissables; elles peuvent néanmoins être saisies pour dettes alimentaires110.

Ainsi, un bien demeure saisissable par un créancier alimentaire, sans la permission du tribunal et sans égard même à la date de naissance de la créance alimentaire. Mais qu’entend-on par «dette alimentaire»?

Ce n’est pas parce qu’il est question d’aliments qu’il faut se limiter uniquement à des choses comestibles. Le mot «aliment» dans son sens juridique signifie les choses indispensables à la subsistance d’une personne111. Ainsi, les dettes alimentaires sont «toutes celles qui ont été encourues pour assurer les besoins et la conservation de la vie: la nourriture; le logement; les vêtements; l’entretien; l’instruction; les frais de médecin, chirurgien, pharmacien, d’hôpital, de garde-malade; l’ameublement indispensable [p…]»112.

Chose primordiale, toute stipulation d’insaisissabilité n’est opposable aux tiers que si elle est publiée au registre approprié113. Le registre approprié est:

  • pour un bien meuble: le Registre des droits personnels et réels mobiliers (ci-après «RDPRM»);
  • pour un immeuble: le Registre foncier de la circonscription foncière où est situé l’immeuble en question114.

Il est donc important, chaque fois qu’un acte de fiducie entre vifs est signé, de publier au RDPRM ou au Registre foncier l’existence de la clause d’insaisissabilité contenue à l’acte de fiducie.

L’inscription au RDPRM de la clause d’insaisissabilité se fait en faveur des bénéficiaires connus, en inscrivant leur nom et leur date de naissance. Si la fiducie prévoit, parmi la liste de ses bénéficiaires, les enfants et petits-enfants nés et à naître de l’auteur du gel, en plus d’une publication immédiate en faveur des bénéficiaires déjà nés, il ne faudra pas oublier de mettre à jour cette publication de temps à autre, chaque fois que naîtra un nouveau bénéficiaire.

 


107 Pour plus de détails sur cette question de l’insaisissabilité, voir Marc JOLIN, Les impôts sur le revenu et le décès , t. 2, Montréal, Association de planification fiscale et financière, novembre 2004, feuilles mobiles, partie III, titre 1, chapitre 9, sections 1-12.

108 Art. 2649 C.c.Q.

109 Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25 (ci-après «C.p.c.»), art. 553, al. 3.

110 Art. 553, al. 4 C.p.c.

111 Fortier c. Miller , (1943) R.S.C. 470, 483.

112 Pierre CIOTOLA, «La saisissabilité des biens donnés ou légués à titre insaisissable», (1975), vol. 77 Revue du Notariat 499 et suiv.

113 Art. 2649 C.c.Q. in fine .

114 Art. 2970 C.c.Q.

4.2.3. Fractionnement des revenus

Une fiducie, qu’elle soit de type testamentaire ou de type entre vifs, est reconnue par les autorités fiscales comme étant un particulier qui fera sa propre déclaration de revenus en y déclarant annuellement ses propres revenus. En fonction de l’actif contenu dans la fiducie, il pourra y avoir du revenu de loyers, d’intérêts, d’entreprises, de dividendes, du gain en capital ou autres. Un élément fiscal très intéressant de la fiducie est la possibilité, sur décision des fiduciaires, que la fiducie attribue tout ou partie de ses revenus aux bénéficiaires du revenu, lesquels devront s’imposer sur les revenus attribués selon leur propre taux d’imposition.

Pour ce faire, le revenu doit être véritablement payé ou devenu payable aux bénéficiaires. Une résolution des fiduciaires devra faire état des revenus répartis aux bénéficiaires dans l’année d’imposition où ils ont été gagnés par la fiducie. Généralement, la répartition à l’un ou l’autre des bénéficiaires, en tout ou en partie, est une décision discrétionnaire des fiduciaires. Pour qu’il y ait attribution des revenus aux fins d’imposition entre les mains des bénéficiaires, les revenus doivent être réellement payés ou devenus payables115. Les mots «payés» ou «payables» signifient116:

  • soit qu’un chèque ait été transmis aux bénéficiaires;
  • soit qu’une dépense ait été engagée par les fiduciaires au profit des bénéficiaires;
  • soit qu’un billet exigible à demande ait été émis en faveur des bénéficiaires, ce qui en résulte d’un droit acquis aux bénéficiaires.

Le tableau qui suit présente un exemple de fractionnement simple de dividendes déterminés ou ordinaires avec un seul enfant. L’économie d’impôt serait substantielle si plusieurs enfants étaient bénéficiaires.

 


115 S.-al. 104(6)b)(i) L.I.R.; par. 657a) L.I., art. 657.1 L.I.

116 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletins d’interprétation IT-286R2, «Fiducies – Sommes payables», 8 avril 1988; IT-381R3, «Fiducies – Gains et pertes en capital et transfert de gains en capital imposables à des bénéficiaires», 14 février 1997.

4.2.4. Multiplication de la déduction pour gains en capital

Tel qu’il a été vu précédemment, une fiducie a la faculté d’attribuer tout ou partie de ses revenus aux bénéficiaires aux fins d’imposition. Ainsi, lorsque la fiducie réalise un gain de capital soit: à la vente de ses actions ou lors d’une disposition présumée en raison de la règle fiscale afférente au 21e anniversaire de la fiducie, il est possible de fractionner le gain de capital sur plusieurs contribuables bénéficiaires.

Les fiduciaires exerceront leur discrétion quant à l’attribution du gain en capital imposable envers les bénéficiaires du revenu de la fiducie, et ce, qu’ils soient mineurs ou majeurs, grâce à la mise en place d’une fiducie familiale discrétionnaire. Pour ce faire, il faut d’abord que l’acte de fiducie y définisse au moins le gain de capital imposable comme étant un revenu pour la fiducie puisque, du point de vue civil, tout gain de capital est considéré comme étant du capital pour la fiducie, selon l’article 909 C.c.Q. En lieu et place de cette définition, plusieurs actes de fiducie familiale contiennent une panoplie de pouvoirs qui permettent aux fiduciaires de déterminer du gain en capital imposable comme étant du revenu. Ainsi, l’imposition du gain de capital sera dirigée vers les bénéficiaires, lesquels déclareront ce même gain en capital imposable dans leurs déclarations de revenus et utiliseront leur propre exemption de 750 000 $. Puisque le gain en capital imposable est attribué à titre de revenu, il devra, bien entendu, être payé ou rendu payable aux bénéficiaires au moyen d’un billet exigible à demande. Dans les faits, chacun des bénéficiaires aura droit de recevoir de la fiducie un bénéfice d’au moins 375 000 $. Il existe une exception à cette obligation de rendre ce revenu payé ou payable, il s’agit de l’exercice par les fiduciaires du choix du bénéficiaire privilégié117, ce choix n’est possible que pour les bénéficiaires handicapés. La seconde exception est relative à un type de fiducie appelée «fiducie au profit d’un mineur» dont les conditions strictes118 ont pour effet de permettre que les revenus, bien que non payés ni payables, soient imposés entre les mains du bénéficiaire qui serait mineur. »

 


117 Par. 104(14) L.I.R.; art. 659 L.I.

118 Par. 104(18) L.I.R.; art. 664 L.I.

ANNEXE « B »

Ce qui suit est un extrait du texte intitulé Utilisation de la fiducie en agriculture que j’ai écrit, en collaboration avec Me Julie Lebreux, notaire, pour les fins du colloque 178 du 12 novembre 2008 traitant du Financement et fiscalité en agricole.

2. LES TROIS INCERTITUDES

2.1. INCERTITUDE QUANT AUX BÉNÉFCIAIRES

Lorsqu’un chef d’entreprise (ci-après «auteur de la transmission») envisage de passer le flambeau à d’autres personnes, il sera porté à d’abord favoriser les personnes les plus proches de lui, tels ses enfants ou encore ses employés-clés.

Le conjoint de l’auteur pourrait aussi être envisagé comme bénéficiaire de la transmission de son entreprise, mais à quoi cela servirait-il si le conjoint est à peu de chose près du même âge que l’auteur? En effet, lors d’une transmission d’entreprise, dans un contexte de planification successorale, l’auteur cherche à reporter des impôts, en permettant que, de son vivant, la croissance future de son entreprise s’accroisse sur la tête de ses enfants. Toute la plus-value ainsi accrue sur la tête des enfants n’aura plus à faire l’objet d’un legs testamentaire en leur faveur, tel que cela aurait été le cas s’il en avait gardé la propriété jusqu’à son décès, réduisant d’autant l’impôt à son décès sur cette valeur déjà transmise à l’autre génération avant son décès.

Lorsque l’auteur se sent prêt à procéder à la transmission de son entreprise, est-il déjà en mesure de bien identifier les bénéficiaires de cette transmission?

Si la transmission doit s’effectuer en faveur de ses enfants et/ou de certains employés-clés, l’auteur est-il certain que ceux en faveur de qui il envisage de transmettre son entreprise sont les seuls que cela pourrait intéresser?

L’auteur a-t-il des enfants plus jeunes qui n’ont pas encore terminé leurs études ou qui n’ont pas encore fait connaître leur intention de s’impliquer activement dans l’entreprise?

Si l’auteur envisage de permettre à un employé-clé d’être intégré à l’entreprise lors de la transmission, s’est-il assuré que cet employé-clé a les compétences et la personnalité requises pour mériter ce privilège? Avoir une personne à son emploi et avoir cette même personne comme partenaire d’affaires sont deux choses bien différentes. Y aurait-il d’autres employés, moins flamboyants, mais tout aussi talentueux, que l’entreprise gagnerait à intéresser?

Si les bénéficiaires de la transmission, qu’il s’agisse d’enfants ou d’employés-clés, ont été correctement identifiés et qu’on ne s’attend pas à ce qu’il y en ait d’autres à court ou moyen terme, il n’y a pas d’inconvénient à procéder à une transmission permettant une participation directe de ces bénéficiaires dans l’entreprise.

Si, par contre, l’auteur a certaines hésitations quant au choix définitif du ou des bénéficiaires de la transmission, la fiducie entre vifs peut devenir l’outil idéal pour rassurer l’auteur. Il suffira de créer une fiducie pour détenir les nouvelles actions avec droit de participation de l’entreprise faisant l’objet de la transmission et de prévoir comme bénéficiaires de cette fiducie toutes les personnes susceptibles de pouvoir être intéressées à l’entreprise. L’auteur du gel se réservera habituellement, à titre de fiduciaire principal de la fiducie, la faculté d’élire le ou les bénéficiaires à qui les biens de la fiducie seront éventuellement remis. À défaut par l’auteur du gel d’exercer une telle faculté d’élire et si ce dernier veut éviter que cette discrétion ne soit exercée par le ou les autres fiduciaires de la fiducie, il sera bon que l’acte de fiducie établisse, par défaut, une formule quelconque de détermination du ou des bénéficiaires, choisis parmi la liste des bénéficiaires, qui auront droit de recevoir, lors de la liquidation de la fiducie, les biens détenus par celle-ci.

L’auteur de la transmission aura toute latitude pour déterminer, dans l’acte de fiducie, les critères que les fiduciaires devront retenir pour procéder à la distribution des biens en fiducie.

Veut-on prendre en considération la collaboration des bénéficiaires dans l’entreprise: Y sont-ils actifs à plein temps? À temps partiel? Montrent-ils un intérêt marqué pour l’entreprise? Lequel ou lesquels des bénéficiaires ont fait preuve d’un bon jugement dans les situations difficiles? Lequel ou lesquels possèdent les connaissances ou les aptitudes appropriées pour bien prendre en main la direction de l’entreprise?

Il est bien certain que si les critères de sélection sont trop subjectifs, les fiduciaires choisis par l’auteur devront être triés sur le volet et avoir toute la confiance de l’auteur pour leur discernement. Le travail des fiduciaires sera d’autant plus facilité qu’il sera possible d’intégrer des facteurs plus factuels de détermination des bénéficiaires dans l’acte de fiducie, tels l’âge des bénéficiaires, le fait qu’ils travaillent ou non pour l’entreprise, leur niveau de formation scolaire ou professionnelle, etc.

2.2. INCERTITUDE QUANT AU PARTAGE DES BIENS

Peut-être l’auteur de la transmission a-t-il réglé son problème de détermination des bénéficiaires de la transmission, mais il n’est pas dit qu’il est par ailleurs fixé quant au partage de la participation de ceux-ci dans l’entreprise.

L’auteur veut-il s’assurer qu’un bénéficiaire aura le contrôle de l’entreprise pour éviter tout conflit avec les autres bénéficiaires?

Inutile de s’encombrer d’une fiducie entre vifs, si les bénéficiaires sont bien identifiés, que sont également connus leurs capacité, connaissances, tempérament et autres qualités et défauts, et que l’auteur peut dès maintenant fixer avec confiance le pourcentage de participation pour chacun des bénéficiaires identifiés. Il suffit alors de permettre à ces bénéficiaires de souscrire au nombre d’actions ou d’acquérir la participation nécessaire pour leur donner le pourcentage de participation établi par l’auteur.

Dans le cas contraire, s’il est trop tôt pour arrêter ce choix, la fiducie entre vifs sera de nouveau le véhicule de prédilection pour permettre d’amorcer dès maintenant la transmission de l’entreprise, tout en remettant à plus tard la détermination de la participation de chacun dans celle-ci.

Lorsque le leader naturel parmi les bénéficiaires se sera fait connaître et que son leadership aura été reconnu par les autres, il sera plus facile de procéder à un partage des actions détenues en fiducie, qui sera à la satisfaction de tous et ne créera pas de conflits entre les bénéficiaires parmi lesquels les actions seront réparties.

Ici encore, l’acte de fiducie devra tenter d’établir les critères sur lesquels les fiduciaires devront se baser pour effectuer le partage des actions détenues par la fiducie entre les bénéficiaires.

2.3. INCERTITUDE QUANT À LA FINALITÉ DE LA TRANSMISSION

L’auteur est-il bien certain qu’il est prêt à procéder à la transmission de son entreprise? Changerait-il d’idée s’il apprenait que le ou les bénéficiaires pressentis pour tirer avantage de cette transmission ne se montrent pas à la hauteur des attentes de l’auteur? L’attitude des bénéficiaires prive-t-elle l’auteur de tout plaisir de faire fructifier en leur faveur la plus-value de l’entreprise faisant l’objet de la transmission?

L’état de fortune de l’auteur s’est-il détérioré à un point tel qu’il veuille de nouveau participer à l’essor de l’entreprise? La situation matrimoniale de l’auteur a-t-elle changé? Un divorce et un partage de ses avoirs ou un remariage et de nouvelles obligations nécessitent-ils le besoin d’un renouvellement de son enrichissement?

De nouvelles dispositions législatives remettent-elles en question la transmission, qu’elle soit totale ou partielle, de l’entreprise aux bénéficiaires?

Quelles que soient la ou les raisons pouvant amener l’auteur à regretter ou à repenser à la finalité de la transmission de son entreprise, la fiducie entre vifs peut de nouveau être la solution à ce problème.

Il suffirait, dans la création de la fiducie, d’ajouter l’auteur parmi la liste des bénéficiaires de celle-ci. Et si la distribution des biens de la fiducie est discrétionnaire, c’est-à-dire qu’elle est laissée à l’entière discrétion des fiduciaires, si besoin est, ceux-ci pourront décider de remettre tout ou partie des biens en fiducie à l’auteur plutôt qu’aux autres bénéficiaires et ainsi renverser la transmission, en totalité ou en partie.

Une telle fiducie discrétionnaire, aussi appelée «fiducie réversible», permet le dégel successoral dans le cas d’une transmission d’entreprise familiale. Elle permet même un dégel rétroactif, c’est-à-dire qu’elle remet entre les mains de l’auteur toute la plus-value de l’entreprise, même celle accumulée pendant la durée de la fiducie. En effet, sous réserve de ce qui suit, les biens qui seraient remis à l’auteur lors de la liquidation de la fiducie lui seraient remis à un coût fiscal équivalant à celui de la fiducie pour ces biens lors de leur acquisition initiale par celle-ci, plutôt qu’à la juste valeur marchande (ci-après «JVM») de ceux-ci à la date de liquidation de la fiducie. Autrement dit, il y a «roulement» des biens qui sont en fiducie entre les mains du bénéficiaire à qui ils sont remis et l’impôt sur la plus-value de ces biens est retardé jusqu’au jour où le bénéficiaire dispose de ceux-ci.

Ce roulement n’est cependant pas possible dans le cas d’une «fiducie avec droit de retour», c’est-à-dire une fiducie dont les biens peuvent:

  • soit revenir à la personne de qui ces biens ont été reçus par la fiducie;
  • soit être transportés à des personnes devant être désignées par la personne de qui les biens ont été reçus par la fiducie, après la création de celle-ci;
  • soit que, du vivant de cette personne, il ne puisse être disposé des biens qu’avec son consentement ou suivant ses instructions119.

Si le roulement n’est pas permis, lorsque la fiducie prendra fin et que les actions détenues par elle seront distribuées aux bénéficiaires, la fiducie sera réputée avoir disposé de ces actions et avoir reçu un produit de disposition égal à la JVM des actions à ce moment. L’impôt sur la plus-value accrue sur les actions sera dès lors exigible dans la fiducie.

Les fiscalistes laissent facilement miroiter à l’auteur du gel la possibilité de renverser un gel de succession comme il est mentionné précédemment. Mais, du point de vue juridique, la mise en application d’un tel dégel n’est pas aussi évidente, particulièrement dans le cas où l’auteur du gel, en plus d’être bénéficiaire de la fiducie, en est également l’un des fiduciaires. Le fait pour l’auteur du gel d’être à la fois bénéficiaire et fiduciaire de la fiducie n’est pas sans entraîner des conséquences légales auxquelles l’auteur du gel doit se soumettre, comme il est plus amplement décrit ci-après. »

 


119 Loi de l’impôt sur le revenu , L.R.C. (1985), 5e supp., c. 1 et mod. (ci-après «L.I.R.»), par. 75(2) et 107(4.1); Loi sur les impôts , L.R.Q., c. I-3 et mod. (ci-après «L.I.»), art. 167 et 691.1.

Publié dans :

Luc Martel, « Fiducie discrétionnaire ou actions à dividendes discrétionnaires », dans Congrès 2009, Montréal, Association de planification fiscale et financière, Montréal, 2010.

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